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Gestion automatisée des appels : Quel coût pour la société ?

Il est étrange de constater, dans une société où toutes les décisions sont passées au crible du dogme comptable que la question du coût social lié à la gestion automatisée des appels téléphoniques (GADAT) soit éludée avec une désinvolture pour le moins troublante.

Pas plus tard que ce matin, j’ai appelé un groupe médical pour modifier rendez-vous. Comme la question de l’attente au téléphone m’a toujours titillé, j’ai donc décidé d’activer le chronomètre pour dépasser le cap des impressions et avoir une idée plus plus précise.

Les dégâts de la GADAT (photo Dahmane SOUDANI)

Pertes de temps avec des conséquences en cascade

Entre le temps d’attente, les différents transferts et ce que les fournisseurs des GADAT appellent pompeusement « l’assistance technique réactive » et enfin avoir une personne à qui parler -je ne compte pas le temps de sa réponse, du reste fort sympathique-, j’ai été scotché au téléphone en grillant mes unités, pendant 9 longues minutes

D’aucuns diront que ce n’est pas grave, après tout 9 mn, c’est le temps de prendre un café et encore ! Ce n’est pas aussi évident. Tant s’en faut !

À l’issue de mon coup de fil, j’ai vérifié le nombre d’appels quotidiens reçus par ce même groupe. Il est, en moyenne, d’une centaine de communications. Je ne connais pas le nombre d’appels traités et de ceux qui n’ont pas pu aboutir. Qu’à cela ne tienne ! Nous avons donc 900 minutes, soit 15 heures en tout -l’équivalent de deux jours de travail-, de temps d’attente perdues par jours, pour rien. Pertes auxquelles il faudra ajouter les frais d’appel parfois majorés de la facture incompréhensible, quasiment délictuelles, des appels payants, mais pas uniquement.

À l’évidence, cette perte de temps a des effets en cascade aux coûts incalculables. Pendant mon temps d’attente, je diffère des activités avec des conséquences multiples ou alors je fais patienter d’autres acteurs et les retombées sont aussi désastreuses. Les énergies ne s’en trouvent pas, le moins du monde, libérées.

Les gains pour l’entreprise ne sont pas évidents

Je passe sur l’irritation, l’inconfort d’être enregistré, les divers désagréments et leurs retombées sur les personnes elles-mêmes et leurs activités.

Même en supposant que j’ai été juste malchanceux et que le temps d’attente soit en moyenne seulement de 5 mn, c’est toujours l’équivalent d’une journée de travail que la société, dans son ensemble, perd chaque jour, rien qu’avec ce groupe. Il est vrai que ce même groupe fait l’économie d’un poste de travail pour ventiler les appels ; gain qu’il faudra néanmoins relativiser au regard de l’achat des logiciels et de l’équipement dédiés à cette tâche, les mises à jour et l’assistance technique.

Que dire, alors si l’on multiplie ce temps d’activité perdu avec 1000, 20 000 ou 100 000 récepteurs d’appels, sachant que les grands groupes et organismes publics et semi-publics reçoivent beaucoup plus d’appels ? Je vous laisse deviner !

Les fournisseurs des systèmes de gestion des appels semblent être les seuls gagnants dans ce marché de dupes. Encore, faudrait-il savoir si les gains engrangés vont aux salaires donc à la consommation et à l’investissement -deux des trois moteurs de la croissance- ou alors à la spéculation.

Modernisation ou désocialisation ?

Cela dit, les dégâts les plus importants, ne sont pas perceptibles au premier niveau. Car en fait, pendant que je communique avec des machines en choisissant l’une des options proposées par celles-ci ou en répondant, de façon tactile ou verbale, à des questions, le plus souvent binaires donc abrutissantes, je ne communique pas avec des personnes, des êtres sociaux, comme en prenant un café par exemple. La gestion automatisée des appels téléphoniques est de ce fait une gigantesque entreprise de désocialisation qui plus est, vise à faire de l’homme un agent périphérique d’automatismes. Et c’est là où se situe la convergence entre les entreprises et surtout les grands groupes et les fournisseurs de GADAT. Déshumaniser, atomiser, désocialiser, périphéraliser…, figurent, depuis des décennies déjà, aux registres stratégiques des grands groupes pour empêcher les acteurs intérieurs -salariés qu’on a tendances aujourd’hui à appeler « collaborateurs » ; ce qui n’est pas du tout innocent !- et les acteurs extérieurs -société civile- de mettre le nez, collectivement, dans la gestion de la richesse créée, sa répartition et sa destination. Une démarche souvent enveloppée dans l’emballage clinquant, mais qui ne veut pas dire grand-chose de « modernité »

Il est pour le moins curieux qu’en l’espèce la modernité se caractérise par un coup d’arrêt donné aux énergies générées par la société et la désocialisation, la volonté de disloquer le tissu social. C’est comme si quelque chose est parvenu à son stade suprême et que le dépassement de ce cap signifie sa propre et irréversible destruction.

Dahmane SOUDANI

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