À titre posthume, une jeune naïlya fait la « une » du National Geographic, mais ne s’affranchit pas pour autant des fantasmes.

Elles ont été louées par les poètes, portraites par les chanteurs ; elles ont inspiré les peintres et captivé l’attention des hommes de lettres et des photographes, les Naïlyate sont réputées pour leur beauté légendaire. Le poète algérien Mohamed Ben Guittoun en parle dans l’élégie écrite au XIXe siècle et dédiée à Hizya. Aujourd’hui, encore, c’est une Naïlya qui fait la « une » du National Geographic dans le cadre d’un dossier consacré aux « femmes ayant posé comme modèles dans des scènes traditionnelles ». Le portrait de la jeune algérienne trône au centre d’une sélection féminine composée, entre autres, d’Eliza Scidmore, probablement première photographe femme au National Geographic, des Pêcheuses de la rivière Yellowstone, cliché Edwin L. Wisherd (1940), de la Reine de la fête des Roses à Thomasville en Géorgie, cliché Howell Walker, et de l’activiste Jana Sumter, université Spelman à Atlanta, cliché Radcliffe « Ruddy » Roye. En pages intérieures, avec cette dernière, la jeune algérienne est la seule dont le portrait occupe une planche entière.

Le portrait de la Naïlya est cosignée des photographes Rudolf Franz Lehnert (1878-1948) Ernst Heinrich Landrock (1878-1966). Il aurait été réalisé en 1922.
Le territoire de Hizya
Le charme et la grâce des Naïlyates ont nourri beaucoup de fantasmesles plus extravagants, notamment chez les orientalistes occidentaux, moins avec le peintre Étienne Dinet (1861-1929) -d’aucuns rétorqueront Raoucha, soit !- et le photographe Auguste Maure (1840-1907). Mais c’est le cas, hélas ! pour Rudolf Franz Lehnert et Ernst Heinrich Landrock. Abandonnant à son tour le souci de la critique des sources et l’esprit d’enquête, le National Geographic édite : « Une légende de 1922 décrit des filles qui se procurent des pièces de monnaie pour leurs dots en dansant dans les villes portuaires de la Méditerranée.»

Aujourd’hui fondus dans la société algérienne, les Ouled Naïl furent une confédération de tributs berbères arabisées, à l’époque essentiellement nomades ou semi-nomades. Elles évoluaient dans un espace -en forme de quadrilatère- situé entre de Msila au nord, Biskra à l’est, les confins de la région de Ghardaïa au sud et ceux de la région de Saïda à l’Ouest. La partie de l’Atlas saharien qui traverse cette espace porte leur nom -Monts des Ouled Naïl-. Ce territoire est partiellement décrit dans le poème dédié à Hizya, cité plus haut. Leurs pôles traditionnels de convergence sont Djelfa et Bou Saâda. On est très loin des villes portuaires d’Algérie. En outre, le transfert du modèle occidental de la dot aux rituels du mariage en Algérie, n’a aucun sens.
Dahmane SOUDANI
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