Plus que le nombre de manifestants, le niveau de crispation des tensions n’autorise plus aucune sorte de statu quo.
Les fêtes de fin d’année n’ont pas apaisé les tensions en France. Lors de l’acte VIII de ce samedi, les gilets jaunes ont réussi à renouer avec la mobilisation d’avant les fêtes sans pour autant –à en croire les chiffres du ministère de l’Intérieur- atteindre le niveau du 17 novembre dernier, la manifestation fondatrice de leur mouvement. À Paris, le principal cortège des Gilets jaunes a tenté de se rendre à l’Assemblée national, source hautement symbolique de l’essentiel de la législation nationale, sans succès. Quel était l’objectif recherché à travers le choix de cette destination arrêté par la coordination nationale des Gilts jaunes ? Rien moins clair. S’agit-il simplement d’alerter les élus de la nation et de les mettre en face de leur responsabilité ou d’une intention d’occuper ce lieu d’émanation de la loi et de refaire le coup du tiers état du 17 juin 1789 qui s’était alors proclamé seul représentant de la nation –à l’issue rappelons-le, du 43ejour des états généraux-. On en saura peut-être un peu plus dans les jours à venir.
Un parallèle frappant
Le parallèle est on ne peut plus frappant. En mai 1789, les représentants de la Monarchie s’étaient présentés aux états généraux avec le seul souci de trouver des soutiens pour de nouvelles ressources d’imposition afin de renflouer les caisses vides du régime, sans aucun autre ordre du jour. Conséquence logique, les représentants du tiers états et leur alliés, avaient non seulement pris le pouvoir, mais ont, par la suite, trouvé les ressources en saisissant les biens de l’ordre le plus riche de l’époque : l’Église. –aujourd’hui, ceux qui, à longueur de journée, se gargarisent de l’expression République devraient peut-être méditer cet exemple et cette capacité de rupture-. Des populations entières ont survécu grâce à cette mesure, mais ça n’a pas pour autant tué l’Église. Du reste, celle-ci ne s’est jamais mieux portée que depuis qu’elle a été éloignée du pouvoir politique.
Macron tétanisé
Sans conteste, il s’agit là d’une belle illustration que l’État prend l’argent où il se trouve. Aujourd’hui, la richesse a changé de camp. Mais, depuis le début des années 1970, on a de plus en plus, le sentiment que les dirigeants prennent pour argent comptant la sortie humoristique –du genre absurde d’ailleurs- d’Alphonse Allais (1854-1905) selon laquelle : « Il faut prendre l’argent là où il se trouve, c’est-à-dire chez les pauvres. Bon d’accord, ils n’ont pas beaucoup d’argent, mais il y a beaucoup de pauvres » in l’hebdomadaire humoristique Le Sourire, fin du XIXe siècle. Cela témoigne du sérieux aux relents de plaisanterie de mauvais goût de la gouvernance !
En dépit de la dégradation de la situation, le président Macron ne fait aucun geste significatif pour apaiser la situation. Il s’enferre derrière un rideau de dénonciation, d’appel au dialogue sans en fixer le cap et en brandissant, en même la rigueur de la loi. « Une fois encore, une extrême violence est venue attaquer la République – ses gardiens, ses représentants, ses symboles. Ceux qui commettent ces actes oublient le cœur de notre pacte civique. Justice sera faite. Chacun doit se ressaisir pour faire advenir le débat et le dialogue », soutient-il dans un tweet daté de ce samedi.
Les Gilets jaunes à l’initiative
L’initiative, il faut bien le reconnaître, est du côté des Gilets jaunes. Aussi bien sur le Référendum d’initiative citoyenne (RIC) que sur la dette, le pouvoir d’achat, la presse et la liberté d’expression … leur coordination, non seulement, avance des propositions, mais les mature progressivement. Dans certaine régions, la rédaction du RIC a déjà commencé.
Ce samedi, autre groupe des Gilets jaunes a investi les bureaux de Benjamin Griveaux -rue de Grenelle– porte-parole du gouvernement, en défonçant la porte d’accès, à l’aide d’un engin de travaux publics. Les assaillants étaient armés de barres de fer. Benjamin Griveaux n’a dû son salut qu’à une exfiltration par une porte dérobée donnant sur l’arrière-cour. La veille, il avait dénoncé « les agitateurs au sein des Gilets jaunes ». La veille, également, près de Nancy, des Gilets jaunes ont tenté de bloquer le siège du quotidien L’Est Républicain, détenu par le groupe EBRA, propriété de la banque Crédit mutuel. Ces deux événements ne semblent pas être isolés. Dès le début de leur mouvement, les Gilets jaunes n’ont eu de cesse de manifester leur aversion pour ce qu’ils considèrent être les porte-voix du pouvoir et des banques.
Plus grave encore et c’est une première, à Dijon, plusieurs dizaines de manifestants s’en sont pris à la caserne de gendarmerie, boulevard Maréchal Joffre. La clôture du site a été partiellement détruite lequel site n’a toutefois pas été investi. À ce propos, -en comparaison avec l’attaque d’un site militaire- l’épisode parisien du Gilet jaune boxeur, en dépit son aspect spectaculaire relève plutôt de l’anecdote.
Au-delà du nombre de manifestants, toujours contesté et souvent à juste titre d’ailleurs, ce samedi, la tension est montée de plusieurs crans, la contestation de l’autorité des pouvoirs constitués aussi. Il est désormais suicidaire pour le président Macron de continuer à se murer dans le rejet sans concession, des revendications des Gilets jaunes.
Dahmane SOUDANI
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