Aujourd’hui, on ose plus parler de sorcières, mais les arguments de disqualification sont d’une violence équivalente et leurs effets accentués par la massification et la redondance des moyens modernes de communication.
A la mort de Clovis, le royaume franque est fractionné entre ses descendants directs Thierry (Metz), Clodomir (Orléans), Childebert (Paris) et Clotaire (Soissons). Par la suite, la carte du ou des royaume (s) va évoluer en fonction du nombre de prétendants et/ou du rapport des forces du moment
C’est dans ces conditions que Brunehaut (547-613), célèbre princesse wisigothe d’Espagne -fondatrice de l’abbaye Saint-Martin d’Autun-, épousa Sigebert 1er (535-575) petit-fils de Clovis, roi d’Austrasie (capitale Reims, puis Metz). En possession d’une dot territoriale fort intéressante, Galswinthe, sa sœur ainée, se maria en 567, avec Chilpéric 1er (526-584) frère cadet de Sigebert 1er et roi de Neustrie (capitale Soisson) qui venait de répudier sa première femme Audovère. Une année plus tard, le roi de Neustrie, apparemment poussé par son ancienne concubine Frédégonde, qu’il épousa en troisième noce, fit assassiner Galswinthe par l’un de ses serviteurs, dit-on ; un affront et véritable situation de casus-belli pour le couple royal Sigebert-Brunehaut.
Les femmes interdites de sortie des sentiers battus
Bien que lettré, mais aussi débauché, Chilpéric 1er poursuivit sa chevauché sanglante et fit assassiner son frère. Il est à son tour assassiné à coups de couteau par un dénommé et introuvable Falco. L’arroseur est bel et bien arrosé et le commanditaire est tout désigné. Parfois au service du pouvoir, la grande faucheuse poursuit inexorablement son œuvre.
On dit que par la suite, à travers la manipulation de leurs descendances, Brunehaut et Frédégonde étaient à l’origine des guerres entre rois francs, couvrant une période de plus de 40 ans, de 575 à 613, date d’exécution de Brunehaut par Clotaire II fils de Chilpéric 1er et de Frédégonde. Trahie par Warnachaire encore appelé Garnier II maire du palais d’Austrasie Brunehaut est suppliciée pendant trois jours avant d’être achevée en même temps que deux de ses arrière-petits-fils. On a pourtant tendance à faire valoir que des éléments à charge. Ah ! les femmes, elles ont bon dos ! C’est d’autant plus vrai qu’à l’époque, l’histoire était écrite, exclusivement par des hommes, en soutane de surcroît. « Qu’est l’histoire ? Un écho du passé dans l’avenir. Un reflet de l’avenir sur le passé », professe encore l’auteur de La Légende des siècles (1).
Après tout, les femmes qui s’aventuraient à sortir des stéréotypes et des sentiers battus, n’étaient-elles pas accusées de sorcellerie et exécutées. Une attitude médiévale dont les effets ne sont pas totalement éradiqués ! Il est vrai qu’on ose plus parler de sorcières, mais les arguments de disqualification sont d’une violence équivalente et leurs effets accentués par la massification et la redondance des moyens modernes de communication.
Cela dit, il est prouvé, à présent, que Frédégonde avait fait assassiner le prince Clovis fils de Chilpéric 1er et d’Audovère. Le manichéisme n’explique pas. Il liquide.
Dahmane Soudani
(1) Victor Hugo. L’Homme qui rit, éditions Gallimard, collection, Folio Classique, Paris 2002, P 664).
Prochain article. Les maires du palais : de faiseurs de rois à l’auto-sacralisation.
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