Majord Domus regiae ou major Palatii, les maires du palais sont passés de simples administrateurs des maisons royales, au début de l’ère mérovingienne, aux garants de la continuité de l’autorité, concentrant ainsi tous les pouvoirs régaliens.
Trop tard pour faire marche arrière ! Fins connaisseurs des rouages du pouvoir, les maires du palais –administrateurs royaux- entrent dans la danse et deviennent les véritables faiseurs de rois et inspirateurs des Grands des royaumes francs (aristocratie). Warnachaire II (mort en 627), également connu sous le nom de Garnier II, trahit Sigebert II roi d’Austrasie et arrière petit-fils de Brunehaut et le livre à Clotaire II, fils de Frédégonde, alors roi de Neustrie qui le fit exécuter dans des conditions épouvantables en même temps que son arrière-grand-mère. Ces liquidations permettent à Clotaire de réunir momentanément le royaume franc. Pour service rendu, Warnachaire II a pu couler des jours heureux en poursuivant sa carrière au majorat du palais de Bourgogne.
Rompre la filiation directe par tous les moyens
Fils de Clotaire II, Dagobert (602-639) rétablit l’autorité royale, mais ce ne fut qu’un répit. Il y avait péril en la demeure. Les maires du palais ont gouté aux plaisirs interdits du pouvoir et ne veulent plus lâcher prise. Les familles de Pépin, le maire du palais d’Austrasie et d’Arnoul, l’évêque de Metz – Pépinides et Arnulfides, l’administration et l’Église- s’unissent. Comme guidé par une fatalité, Sigebert III (631-656), fils ainé de Dagobert, abandonne une partie de ses pouvoirs à Cunibert, évêque de Cologne et à Adalgésil duc d’Austrasie ouvrant ainsi la voie aux maires du palais Pépin de Herstal et à Grimoald. Ce dernier fit exiler le fils de Sigebert III et installa son propre fils Childebert «l’Adopté» (618-662) sur le trône après l’avoir fait adopter par le roi. Childéric II (655-675), fils de Clovis II et petit-fils de Dagobert est également éloigné par Grimoald. C’est à sa demander si en scellant l’union entre Clovis II (roi de Neustrie et de Burgonde) et Bathilde, esclave anglo-saxonne, Le maire du palais Erchinoald ne cherchait pas à délégitimer la descendance mérovingienne.
De son côté, Pépin de Herstal attaqua militairement la Neustrie, mais maintient Thierry III (657-691), fils de Clovis II et Bathilde, au trône, en souverain fantoche. L’ascension des maires du Palais est aussi une guerre impitoyable entre les détenteurs de différents majorats. Charles Martel, fils de Pépin de Herstal, écarta Rainfroi, s’autoproclama maire du palais de Neustrie et y plaça successivement Clotaire IV (685-719) et Thierry IV (713-737).
Mais à force d’être faiseur de rois, pourquoi ne pas s’investir soi-même souverain ? Après tout, on n’est jamais mieux servi que par soi-même. Ainsi, après avoir placé Childéric III –de filiation incertaine- sur le trône (vers 714 -755), Pépin le Bref, fils de Charles Martel s’investit lui même roi, en 751 puis en 754, et inaugure la dynastie carolingienne. Sa première mesure consistait -et ce n’est pas une surprise !- à mettre fin à la fonction de maire du Palais ; une façon comme une autre de casser l’ascenseur des ambitions démesurées. Vigilance quand tu nous tiens !
Dieu et le peuple pour changer de régime
Mais ce n’est pas suffisant ! Pour changer de régime et s’installer au pouvoir, Pépin le Bref convoqua Dieu à travers le Pape Zacharie (679-752), le peuple –aisé s’entend- à travers l’assemblée des Grands et les croyants à travers l’ordre de Saint Boniface de Mayence. Pour soulever une montagne il faudrait avoir des bras pour agir et pour se donner du courage il faudrait avoir des voix galvaniser.
Pour bien faire comprendre à tout le monde que la rupture, avec les Mérovingiens, était définitivement consommée, le premier souverain carolingien (puissante famille d’origine austrasienne) organise, en 754, son sacre en même temps que celui de ses deux enfants Charlemagne et Carloman –il faut assurer l’héritage présomptif de son vivant. Sait-on jamais !- non pas à Reims, mais à Ponthierry, près de Melun.
Prévoyant, Pépin le Bref a une autre qualité. Il sait renvoyer l’ascenseur. Aussitôt son ascension scellée, il attaqua les Lombards, fit don d’une partie des terres ainsi conquises au Saint-Siège et se lança, par délégation, dans l’évangélisation de la Germanie.
L’agonie de la dynastie mérovingienne fut particulièrement lente. Près de 140 ans se sont écoulés depuis qu’un maire du palais, en la personne de Warnachaire II, eût osé trahir Sigebert II roi d’Austrasie et son arrière-grand-mère l’inusable Brunehaut.
Sous des diverses nuances, l’accès au pouvoir, version maire du palais, est toujours de mise dans les sociétés modernes. Suivez mon regard…
Dahmane SOUDANI
Prochain article : Le plus grand empire de l’Occident
Votre commentaire