Profitant du climat d’instabilité mondial ambiant, le pouvoir constitutionnalicide vient de mettre en place des mesures de sécurité qui visent, avant tout, l’opposition regroupée au sein l’Union pour le salut national.
Bien des dirigeants de par monde, peuvent remercier Daech, tout versant

La dernière manifestation de l’opposition a réuni des milliers de citoyens djiboutiens (photo écran Télé Sud-DR)
des larmes suspectes sur ses malheureuses victimes, tant l’organisation terroriste leur offre, sur un plateau d’argent, l’opportunité de donner libre cours à leur propension à brider les libertés fondamentales.
Du pouvoir constitutionnalicide
Dans certains pays, pour des actes, certes, dramatiques et répréhensible, mais qui ne menacent aucunement les fondements des états, les chefs d’États et leurs entourages n’hésitent pas à trépaner les constitution. D’autres n’hésitent pas à recourir aux mêmes procédés, tout simplement, pour servir des intérêts purement personnels. Ismaël Omar Guellah, l’actuel président de Djibouti (moins d’un million d’habitants) fait parti de cette deuxième catégorie de gouvernants, comme le fut d’ailleurs le pouvoir algérien. Par le simple fait de rendre négociable la constitution de leur pays en la soumettant soit à leur volonté d’instaurer un pouvoir musclé, soit tout simplement à leurs propres intérêts étroits, les dirigeant de cet acabit détruisent irrémédiablement cet acte de naissance de l’État. C’est en ce sens qu’ils sont constitutionnalicides et donc gravissime.
Un premier passage en force, il y cinq ans
En 2010, alors au pouvoir depuis 1999, le chef de l’État djiboutien avait fait réviser la constitution de son pays pour s’affranchir de la limite de deux mandats en promettant, toutefois qu’il n’allait pas rempiler en 2016. La pilule n’a pas été facile à avaler. Manifestations et début d’émeutes avaient alors éclaté un peu partout dans le pays, mais le passage en force a quand même eu lieu. Ce coup de force a été suivi, en 2013 par des législatives, pour le moins controversées et dont l’opposition en avait fait largement les frais. Alors que celle-ci estime avoir remporté ces élections, le pouvoir en place ne lui a concédé que 10 sièges sur 65. Du reste, les résultats de ces législatives n’ont jamais été rendus publics.
Cette gestion des suffrages a paralysé le parlement que l’opposition ne voulait pas intégrer. Il a fallu attendre l’Accord cadre, conclut, en décembre 2014, entre l’opposition regroupée sous la bannière de l’USN (Union pour le salut national), une coalition de 7 partis politiques représentée par Ahmed Youssouf et le gouvernement représenté par le Premier ministre Abdoulkader Kamil. Depuis, une seule clause de cet accord, celle faisant obligation à l’opposition d’intégrer le parlement, est entrée, en application. Quant à la revendication phare de l’opposition, à savoir la Commission électorale nationale indépendante (CNI), elle n’a même pas eu le droit de cité.
Promesses non tenues
Non satisfait de cette gestion institutionnelle, pour le moins chaotique, le président Guellah vient d’annoncer qu’il allait briguer, en 2016, un quatrième mandat et il semblerait, selon ses propres termes, qu’il répondait ainsi à « l’appel du peuple ». Difficile de savoir de quel peuple il s’agit dans la mesure où le 20 novembre dernier, une manifestation regroupant, selon Mahmoud Djama, chargé des relations extérieures du Mouvement pour le renouveau démocratique et le développement -une composante de la coalition USN- qui intervenait sur Télé Sud « des centaines de milliers de personnes » avaient dit non aux nouvelles ambitions du président sortant dont les promesses sont passées à la trappe. « Je mettais entre les excès toutes les promesses par lesquelles on retranche quelque chose à la liberté », disait Descartes.
Profitant de la vague d’attentats orchestrés par Daech de par le monde, Ismaël Omar Guellah a en outre pris un décret renforçant, pour une durée de deux mois, la sécurité dans les lieux publics ; un texte, entrée en vigueur le 25 novembre dernier et qui, pour l’heure, n’a eu pour effet que de limiter l’expression publique de l’opposition.
L’opposition dans le viseur des mesures de sécurité
Alors qu’une manifestation de soutien au président, organisée le 27 novembre, s’était déroulée sans obstruction, un début de rassemblement pacifique de l’opposition qui devait se dérouler, le 3 décembre dernier, à Ali Sabieh (sud-ouest de la capitale) a été empêché par la force. Un manifestant a été blessé et il y eut plusieurs arrestations. « Alors que des membres de la coalition de l’opposition Union pour le Salut National (USN) se rendaient à Ali Sabieh pour des meetings, ils ont été arrêtés pour un contrôle de police au cours duquel l’un d’entre eux, Mohamed Abdallah Dabaleh, a fait l’objet d’un tir délibéré d’un gaz lacrymogène au torse, le faisant perdre conscience. », relate sur sa page Facebook, Zakaria Abdelilahi, ancien Magistrat, avocat et président de la ligue de Djibouti des droits de l’Homme (LDDH). « De fait, l’USN et d’autres groupes de l’opposition ont rapidement fait état de nombreuses arrestations, d’opposants dans la ville, mais aussi de nouveaux jets de gaz lacrymogènes. Alors que la situation n’est pas encore totalement revenue au calme, c’est plus d’une quarantaine de personnes qui auraient été arrêtées, simplement pour avoir voulu participer à un meeting pacifique de l’opposition », ajoute le magistrat.
Si le dernier texte du président Guellah continuait à s’appliquer avec les mêmes œillères, cela voudrait tout simplement dire que sur les quatre mois qui restent pour la présidentielle d’avril 2016, l’opposition serait museler pendant deux mois. Ce qui augure de perspectives d’iniquité électorale évidentes.
Pour Mahmoud Djama, il n’y a aucun doute, « Le président djiboutien veut fait un nouveau hold-up électoral en 2016 ».
Dahmane Soudani
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