Après le bain de sang gazaoui de l’été dernier, « l’année de solidarité avec le peuple palestinien » -du cynisme à l’État pure-, se termine sur une fausse note. Mardi dernier, le Conseil de sécurité a rejeté le calendrier de retrait d’Israël des territoires occupés depuis 1967, parrainé par la Jordanie.
« Les résultats d’aujourd’hui prouvent que le Conseil de sécurité dans son ensemble, n’est clairement pas prêt à prendre ses responsabilités et à adopter une résolution globale qui nous permettrait d’aboutir à la paix et à une solution juste et pérenne, basée sur le droit international.» La déception, de Riyad Mansour, l’observateur permanent de l’État de Palestine à l’ONU est totale. Soutenue seulement par 8 membres du Conseil de sécurité pour 9 voix requises, le Nigéria ayant changé son fusil d’épaule à la dernière minute, le projet de résolution de paix palestinien a, en définitive, été rejeté par cette instance des Nations-Unies.
Résolution soutenue par 3 membres du conseil de sécurité
Les Etats-Unis et l’Australie ont voté contre, mais outre le Nigéria, la Lituanie, la Corée du Sud, le Royaume Uni et le Rwanda se sont abstenus. La Etats-Unis n’avaient donc pas besoin d’utiliser leur véto.
La Chine, la Fédération de Russie et la France, trois membres permanents du Conseil de sécurité, ont voté pour la résolution, activement portée par la Jordanie. À côté de ce dernier pays, l’argentine, le Chili, le Luxembourg et le Tchad, membres non permanents du Conseil, ont voté pour l’initiative palestinienne.
Défendant le vote de son pays Samantha Power, l’ambassadrice des États-Unis aux Nations Unies a expliqué que « Cette résolution encourage les divisions » en ajoutant : « Depuis des décennies les États Unis s’efforcent de parvenir à une fin définitive du conflit israélo-palestinien et nous restons impliqué pour parvenir à la paix que méritent les palestiniens et les Israéliens ».
Un État palestinien membre du conseil de sécurité pour la Chine, l’urgence d’une solution pour la Russie et la France
La Russie, la Chine et la France ne sont pas du tout de cet avis.
Liu Jieyi, ambassadeur de Chine a déploré le rejet du texte de résolution. Il a, en outre, déclaré que son pays soutient la création d’un État palestinien souverain à l’intérieur des frontières de 1967, membre, à part entière, des Nations Unies.
Vitaly Churkin, le représentant de la Fédération de Russie, a regretté l’issue qui a été réservée à ce texte, en plaidant pour un parrainage collectif de la question palestinienne. « Il faut renforcer le rôle du Quatuor et associer la ligue arabe aux pourparlers » a souligné Vitaly Chrukin, en reprochant à Washington d’avoir monopolisé ce dossier. Le représentant de la Russie a, en outre, constaté avec dépit qu’en cette fin d’année internationale de solidarité avec le peuple palestinien, la communauté internationale devrait se demander si elle a fait ce qui était possible pour apporter son soutien à ce peuple. Et Vitaly Chrukin d’avertir que « le statu quo ne peut plus perdurer ».
L’étrange position de Londres
L’urgence est également dans les propos de François Delattre, le représentant français qui, lui aussi, a insisté sur l’exigence d’un « effort collectif ». Le représentant de Paris estime, par ailleurs, que « face à cette démarche positive -des palestinien s’entend- et de bonne volonté, aucune négociation crédible n’a malheureusement pu encore être engagée, et ce, alors même que la détérioration de la situation sur le terrain commande d’agir sans attendre ».
Face à l’évidence le représentant du Royaume-Uni botte en touche en usant d’une pirouette pour le moins paradoxale. « Le Royaume-Uni appuie l’essentiel de la teneur du texte et regrette d’avoir dû s’abstenir lors du vote » a-t-il notamment déclaré ; une sortie qui laisse entendre que la position de Londres peut évoluer.
Maria Cristina Perceval : « L’explication du vote de l’Argentine n’est pas nécessaire ! »
Maria Cristina Perceval, l’ambassadrice d’Argentine aux Nations Unies a, sans conteste, exprimé la position la plus claire et la
plus déterminée des membres du Conseil de sécurité. « L’explication du vote de l’Argentine n’est pas nécessaire ! L’histoire, l’histoire du peuple palestinien, le droit international et les résolutions des Nations Unies sont les profondes justifications de la position prise par mon pays », explique-t-elle en déplorant le rejet d’une résolution visant « à rendre justice au peuple palestinien ». « Aucune résolution ne peut éviter la décision d’un peuple d’être libre, indépendant et digne (…) Chacun d’entre nous est responsable de ce qui vient d’être décidé aujourd’hui dans cette salle » a assène Mme Perceval, vêtue de la tenue traditionnelle de son pays, comme pour signifier au monde, l’authenticité de la position qu’elle venait d’exprimer.
L’ambassadeur de France convoqué
Au cours de cette cession, le Nigéria n’était pas le seul pays à avoir créé la surprise, la position de Paris, bien que étant conforme aux votes des deux chambres parlementaires en faveur de la reconnaissance de l’État de Palestine, n’était pas attendue par toutes les parties concernées.
Dans son édition en ligne de ce jeudi, le Figaro rapporte que Patrick Maisonnave, ambassadeur de France en Israël, est convoqué pour demain, vendredi au ministère israélien des Affaire étrangères. «Nous ne comprenons pas comment Laurent Fabius a pu mettre au point un projet de résolution modéré, puis que la France se prononce en faveur d’un texte inacceptable, qui ne tient aucun compte des impératifs politiques et sécuritaires d’Israël», a déclaré, selon le même quotidien, Emmanuel Nachson, porte-parole de la diplomatie israélienne.
Devrait-on comprendre à travers cette indiscrétion que François Hollande, jugeant la position de Laurent Fabius trop tendancieuse, s’est résolu à le court-circuiter ? Ce qui laisserait entendre qu’après la reconnaissance de officielle par la France de l’État de la Palestine, la position de l’actuel ministre des Affaires étrangère ne sera plus conforme à celle exprimée par les représentants du peuple français.
Repères
Pourquoi le Nigéria a-t-il changé de position au dernier moment ?
Difficile à dire ! Cela s’était, sans doute décidé entre de portes capitonnées à défaut d’un coup de fil entre deux capitales. Il y a cependant un dossier qui intéresse à la fois Washington et Lagos et qui est peut-être à l’origine de ce revirement. Mardi dernier, pour la première fois depuis plus de 40, le Département américain du commerce a autorité l’exportation du brut léger ou condensat. Une décision qui concerne pour l’heure, un débit d’un million de baril/jour. Selon l’économiste Américain Edward Lewis Morse, cité par Reuters, le Nigéria dont l’activité pétrolière se situe partiellement sur le même segment de produit, figure parmi les pays qui ont le plus à craindre de ce changement de cap américain.
Liens
– Regarder le vote et écouter les interventions
http://www.c-span.org/video/?323532-1/un-security-council-meeting-israelipalestinian-conflict.
– Accéder à l’intégralité du compte rendu du Conseil de sécurité : http://www.un.org/press/fr/2014/cs11722.doc.htm
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