Les Palestiniens essuient des tirs croisés et l’un des Snippers s’appelle l’Arabie.
Mercredi dernier, contre l’avis de la majorité écrasante des Américains, -près de 70% selon un sondage de l’université du Maryland réalisé en novembre 2017, repris par The Washington Post dans son édition du 6 décembre 2017-, le président Donald Trump a pris « la décision de reconnaître officiellement Jérusalem comme capitale d’Israël » assortie de celle d’y transférer l’ambassade de son pays. En fait, c’est un coup de bluff. Il n’a rien reconnu du tout. Cette décision, du reste contraire au droit international, avait été prise par le Congrès américain –sénat et chambre de représentants réunis- le 23 octobre 1995 en votant la loi dite The Jerusalem Embassy Act.
Les démocrates jouent aux vierges effarouchées
Ce texte avait été adopté par une majorité tellement élevée que Bill Clinton, alors président, ne pouvait pas en opposer son véto. Malmenés par leur base, les démocrates qui, aujourd’hui jouent aux vierges effarouchées avaient, à l’époque, activement pris part à cette décision. Au Sénat, elle avait été adoptée par 93 voix contre 5. Seul un sénateur démocrate et quatre républicains avaient alors voté contre. Au sein de la chambre des représentants, l’autre assemblée du Congrès, The Jerusalem Embassy Act avait obtenue le soutien de 374 représentants dont 153 démocrates, contre seulement 37. Sur les questions stratégiques et doctrinales, il n’y a aucun clivage sérieux entre républicains et démocrates. Ils ont en commun un reflexe d’establishment qui annihile toute alternative digne de ce nom.
Cette loi comportait néanmoins une clause relative au transfert l’ambassade des Etats-Unis de Tel-Aviv à Jérusalem, permettant au président de le reporter régulièrement de 6 mois. Bill Clinton, George W.Bush et Barack Obama avaient usé des dispositions de cette clause. Donald Trump lui-même a différé son application, en juin dernier. Le fait que cette démarche ait fait partie des promesses électorales de Donald Trump, ne change rien à la donne.
Les Palestiniens sacrifiés sur l’autel d’un agenda de politique intérieure
Confronté à un risque réel de destitution, par l’establishment qui refuse de lui accorder sa confiance, mercredi dernier, l’actuel locataire de la Maison Blanche a donc pris la seule décision qui lui restait pour desserrer l’étau : transférer l’ambassade de son pays à Jérusalem. Le moins qu’on puisse dire c’est que les termes de ce transfert restent très flous ; ce qui n’enlève rien à l’injustice commise à l’endroit des Palestiniens et à la dangerosité de cette turpitude du président américain. De plus, sur le plan interne, près de 70% des Américains et 80% des démocrates sont opposés à ce transfert (sondage de l’université du Maryland cité plus haut). Voilà donc sur quel autel, sans la moindre compassion, sans aucune humanité et sans aucun remord de conscience, les Palestiniens sont aujourd’hui sacrifiés. À ce niveau de pouvoir, même un coup de bluff n’est pas sans retombées politiques.
Le jeu troublant de l’Arabie Saoudite
Plus troublant, est le rôle joué par l’Arabie Saoudite. Dans son édition du 3 décembre dernier, dans un article intitulé Discussion d’un plan de paix qui snippe les Palestiniens au Moyen-Orient, The New York Times rapporte qu’il y a environ un mois, sur convocation –c’est qu’on comprend en lisant l’article- du prince héritier Mohamed Ben Selman, Mahmoud Abbas, le président palestinien a effectué « un mystérieux voyage » en Arabie Saoudite « où il a été accueilli avec une charge sévère à propos des plans du président Trump sur la paix au Moyen-Orient ». « Selon des responsables palestiniens, arabes et européens qui ont eu vent de la version cette conversation, livrée par M. Abbas, le prince héritier Mohammed ben Salman a présenté un plan qui serait plutôt d’inspiration israélienne et qui n’aurait jamais pu être adopté par le gouvernement américain et que du reste, aucun dirigeant palestinien ne pourra jamais accepter », peut-on lire dans cet article signé d’Anne Barnard, David M. Halbfinger et Peter Bakerdec.
Le village d’Abou Diss comme capitale
En clair, « Les Palestiniens obtiendraient, un État sur une partie de leur territoire actuel, mais seulement sur des zones non-attenantes de la Cisjordanie et avec seulement une souveraineté limitée (…). La grande majorité des colonies israéliennes en Cisjordanie, que la plupart des pays considèrent comme illégales, resteraient en l’état. Les Palestiniens n’auraient pas Jérusalem-Est comme capitale et il n’y aurait pas, non plus de droit au retour pour les réfugiés palestiniens et leurs descendants ».
De retour en Palestine, « choqué et bouleversé », Mahmoud Abbas a immédiatement alerté les dirigeants des autres pays arabes « Un représentant du gouvernement libanais qui avait reçu un appel a été très surpris par ce qu’il dit être une proposition saoudienne et selon laquelle les Palestiniens pourraient avoir Abou Diss, dans banlieue de Jérusalem-Est, comme capitale » Abou Diss est un village séparé de Jérusalem par le sinistre mur érigé par Israël.
Une partie du Sinaï pour dédommager les Palestiniens !
« Un responsable palestinien au Liban a déclaré que l’une des idées avancées par les Saoudiens était d’indemniser les Palestiniens pour la perte de territoires en Cisjordanie en ajoutant à la bande de Gaza des terres de la péninsule égyptienne du Sinaï, un désert rocheux récemment attaqué par les djihadistes. Mais un responsable occidental a déclaré que l’Egypte avait déjà rejeté cette idée », détaille le quotidien new-yorkais. Depuis le transfert, par al-Sissi, en quête de soutien et de légitimité de façade, en juin dernier, des îles de Tiran et Sanafir (golfe d’Aqaba, en mer Rouge) à l’Arabie, les bâfreurs de Riad ont pris goût à disposer des terres d’autrui ; un point commun avec leur nouvel associé de la région. Citant « plusieurs responsables », The New York Times rapporte « que le prince avait pressé (NDLR. Mahmoud Abbas) de modérer les termes de l’accord contre un soutien financier aux Palestiniens considérablement accru, et a même fait miroiter la possibilité d’un paiement direct à M. Abbas, offre que celui-ci a repoussée ».
Abbas a le choix entre accepter ou faire ses valises
En véritable VIP de l’empire, le prince héritier aurait, selon deux responsables politiques libanais, cités par le même quotidien, sommé Mahmoud Abbas qu’ « il avait deux mois pour accepter l’accord ou alors il serait poussé à démissionner. »
Biberonné à la grande finance, Mohammed Ben Salman avait pris cette initiative, moins de deux semaines après avoir reçu, à Riad, Jared Kushner, conseiller et gendre du président Donald Trump. Les deux hommes ont discuté du plan de paix au Moyen-Orient. Et le quotidien d’ajouter : « Le prince Mohammed, 32 ans, est très proche de M. Kushner, 36 ans, deux jeunes hommes sans grande expérience en politique étrangère se considèrent comme des réformateurs-novateurs capables de rompre avec la pensée figée du passé ».
Ibn Saoud : les Guise du monde musulman
« Le prince saoudien a clairement indiqué que sa priorité dans la région n’est pas la question israélo-palestinienne, le pivot de la politique arabe pour des générations, mais la confrontation avec l’Iran. Les responsables occidentaux et régionaux ont confié que l’objectif principal de l’Arabie saoudite semble être la normalisation des relations avec Israël, ce qui serait difficile si la lutte palestinienne restait une cause régionale. L’Arabie Saoudite n’a actuellement pas de relations officielles avec Israël, mais il a été largement rapporté que les deux pays ont secrètement coopéré pendant des années sur des questions de sécurité », poursuit le quotidien.
La nouveauté n’est donc pas le coup de bluff de Donald Trump qui tente de ressusciter une entorse au droit international commise, il y a 22 ans, mais la reconversion totale et inconditionnelle de l’Arabie à la vision d’Israël et sa volonté ouverte de fomenter un schisme violent au sein du monde musulman. Les Ibn Saoud veulent être les Guise du monde arabe (1).
Dahmane SOUDANI
(1) Nous conseillons vivement aux jeunes du monde arabe de s’informer sur les désastres causés par les guerres de Religion en Europe, particulièrement en France. Cela les aidera à comprendre l’avenir que leur réserve l’Arabie Saoudite.
Votre commentaire