Une aristocratie chasse une autre, mais le français fait son entrée au palais et le royaume franc devient royaume de France.
En épousant Ermengarde de Hesbaye (778-818) en 794, Louis 1er dit « le Pieux » ou « le Débonnaire » (778-840), fils de Charlemagne et de Hildegarde de Vintzgau, fit entrer les Robertiens (noblesse française de Neustrie) au palais. Après deux générations carolingiennes, le Pieux revient sur les pas de Clovis. Il est sacré à Reims le 5 octobre 816 par le pape Etienne IV. Dix-sept ans plus tard, le 7 octobre 833, pour des raisons de partage successoral, il est déposé par son propre fils Lothaire, mais restauré le 15 février 835.
Une monarchie collégiale
Empêtré dans les problèmes de partage, le royaume subit les premiers raids vikings et les incursions musulmanes depuis le sud sud. À la mort de Louis 1er, l’empire est encore divisé.
Faut-il rappeler que la dynastie carolingienne a connu l’un des règnes les plus atypiques. En effet, Louis III et Carloman II, fils de Louis le Bègue (846-879) et d’Ansgarde de Bourgogne (826-879) ont régné collégialement de 879 jusqu’à la mort du premier en 882. Qui a dit qu’il n’y a pas de collégialité dans la monarchie !
À la fin de ce règne singulier, les Robertiens frappent à la porte. Charles III, le Gros, fils cadet de Louis 1er le Pieux et d’Ermengarde de Hesbaye prend le pouvoir en s’appuyant sur l’assemblée des Grands de Francie occidentale. Ce ne fut qu’un intermède. En 888, les Robertiens installèrent Eudes (860-898) au pouvoir, en Neustrie. C’était le premier souverain robertien. C’était aussi le début d’une longue agonie de la dynastie carolingienne qui s’éteindra définitivement en 987.
Place aux Capétiens !
C’est de cette époque, vers 880, que date le premier texte, La Cantilène (ou Séquence de Sainte Eulalie) écrit en langue romane, différenciée du latin, découvert en 1837 par l’écrivain allemand Hoffmann Von Fallerslebe (francophobe de surcroît), sous le règne de Louis Philippe. Il s’agit d’un poème, probablement l’œuvre d’un atelier lotharingien, dédié à Sainte Eulalie de Mérida, une vierge martyre morte en 304.
C’est Hugues Capet (940-996), fils du Robertien Hugues le Grand (898-956), comte de Paris, marquis de Neustrie et petit-fils de Robert 1er (866-923) qui va inaugurer cette nouvelle ère en juillet 987. Belle revanche ! La Neustrie relègue l’Austrasie aux oubliettes. Normal, après le départ de Soisson, la Neustrie, c’est Paris et l’Austrasie est vraiment ostracisée. Hugues Capet écarte de sa voie le Carolingien Charles de Basse-Lotharingie ou de Lorraine (953-991), mais son royaume s’est réduit comme une peau de chagrin.
La langue française fait son entrée au palais
Débutent alors d’interminables guerres -Que de guerres, encore des guerres !- contre les seigneuries locales pour réduire leur pouvoir et reconstituer le patrimoine foncier du royaume. En 991, un accord de pacification de l’Occident chrétien dit Paix de Dieu est alors intervenu. Autre détail et pas des moindres, Hugues Capet est le premier souverain franc à avoir eu la langue romane vernaculaire –appelé françoys-, comme langue maternelle en lieu et place d’une variante de la langue germanique héritée des Saliens.
C’est dans ce contexte que l’Église décida de montrer les dents. Avec Robert II, le Pieux, fils de Hugues Capet, le royaume des Francs franchit le cap du Haut Moyen Âge, mais une répudiation de la reine Rosala de Provence par le deuxième souverain capétien, lui attire les foudres du Saint-Siège. Robert II est alors excommunié par Rome. Le royaume est frappé d’interdit ; ce qui prive les Francs de baptême, de communion et même de sépulture chrétienne.
Le prénom de Philippe, un don de la Russie kiévienne à la France
En 1051, Henri 1er (1008-1060) le fils de Robert II épousa Anne de Kiev (1030-1075). Pour ceux qui l’auraient oublié, Kiev était alors la capitale de la Russie kiévienne ou Rus’ de Kiev, une entité slave qui a existé entre 850 et 1250. La reine Anne apporta au pays des Francs le prénom de Philippe.
En 1066, alors duc de Normandie, Guillaume le Conquérant (1027-1087) remporte la bataille d’Hastings et s’autoproclame roi d’Angleterre, sans pour autant prêter allégeance à Paris ; un grain de sable qui va enrayer la machine robertienne.
Quand l’Église punissait les rois
Suivant l’exemple de son grand-père, Robert II, Philippe 1er (1052-1108) roi de France à partir de 1060, répudia Berthe de Flandre -qu’il avait épousée comme gage de paix- pour mener sa vie avec Bertrade de Montfort et comme son grand-père, il est, lui aussi, excommunié, suite à une réunion du Concile d’Autun. Après 10 ans de résistance, soucieux, avant tout, d’affaiblir, Guillaume le Conquérant, il se soumet à la volonté de l’Église. C’est sous son règne qu’en 1099, Jérusalem tomba aux mains des Croisés qui fondèrent alors, dans l’actuel Liban, le Royaume latin de Jérusalem.
Son fils et successeur Louis VI « le Gros » (1081-1137) étend son territoire jusqu’aux Pyrénées en mariant son fils Louis VII « le Jeune » (1120 -1180) à Aliénor d’Aquitaine (1123-1204). Louis s’oppose au pape à propos de la nomination de l’archevêque de Bourges. Jamais deux sans trois ! Il est vaincu et a dû expier ses fautes en rejoignant la seconde croisade, portant une croix. De retour aux affaires, il répudia Aliénor qui alla alors, se jeter dans les bras d’Henri Plantagenêt (1133-1189), futur Henri II d’Angleterre, avec la province Aquitaine dans ses valises. C’est le début d’un conflit de trois siècles entre le royaume des Lions et le royaume des Lys, entre les Capétiens et les Plantagenêt.
Le royaume des Francs cède la place au royaume de France
« Le Français aime le péril, parce qu’il y trouve la gloire », disait Châteaubriand, Philippe II « Auguste », (1165-1223) poursuit le conflit contre l’Angleterre et mena la vie dure à trois rois estampillés Lion, Henri II, Richard 1er (1154-1199), et Jean 1er (1166-1216) et il sortit vainqueur lors de la bataille décisive de Bouvines (27 juillet 1214) contre la coalition anglo-flamande. Il fut le premier souverain à mettre au placard le titre de roi des Francs et à lui substituer celui de roi de France. Ces prouesses auraient dû lui procurer prestige et gloire, si ce tableau idyllique n’avait été terni par l’affaire d’Isabelle de Hainaut (à la fois carolingienne et capétienne, 1170-1190) qu’il avait épousée alors qu’elle n’avait que 10 ans et qu’il voulut répudier à l’âge de13 ans ; et surtout par celle de sa deuxième épouse Ingeburge de Danemark (1174-1236) qu’il épousa le 14 août 1193 avant de l’interner et de la malmener, au point de la livrer au viol de l’un de ses geôliers ; un supplice qui dura une vingtaine d’années. C’est plus facile de se faire passer pour un grand que d’être juste. N’est-ce pas sire !
Le serment d’Aliénor d’Aquitaine
Éjectée par la porte Aliénor revient par la fenêtre, mais pour la bonne cause : la paix ! Louis VIII « Le Lion » (1187-1226), fils de Philippe Auguste et petit-fils de Louis VII « Le Jeune » -celui-là même qui avait répudié Aliénor d’Aquitaine- épousa Blanche de Castille, fille d’Aliénor d’Angleterre, elle-même fille d’Aliénor d’Aquitaine et de Henri II Plantagenêt. Pour sceller la paix entre la France et l’Angleterre, Aliénor d’Aquitaine avait, en effet, souhaité que l’une de ses petites-filles épousât Louis VIII pour apaiser les tensions entre les deux pays. Ses vœux ont été exaucés.
Quand on fait la paix avec ses voisins, on se donne les moyens de mieux s’occuper des affaires domestiques. C’est ce que fera Louis IX dit « Saint Louis » (1214-1270), fils de Louis VIII et de Blanche de Castille. Il fit la paix avec l’Angleterre en signant le Traité de Paris, également connu sous le nom de Traité d’Abbeville (1259) ; politique que poursuivra son fils Philippe III « Le Hardi » (1245-1285). Saint Louis interdira les guerres privées et les duels et créa un parlement. Il s’engage, par ailleurs, à payer sa rémission d’une maladie grave en partant en croisade. Il mourra d’une dysenterie aux portes de Tunis. C’est pour rapatrier son cadavre que fut autorisé l’usage du Mos Teutonicus -technique funéraire consistant à vider les dépouilles de la chair pour rapatrier les os- Il fut canonisé en 1297.
Dahmane Soudani
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