Alors que certains dirigeants sont encore dans un état de prostration quasi-idolâtre des années Reagan, l’Amérique est en train de divorcer avec ce modèle économique extrême, caractérisé par la privatisation de la valeur ajoutée, créée par la société, au profit d’une infime minorité.
Manipulations médiatiques systématisées et à grande échelle, procédures judiciaires

Tom Wolf : Bienvenue dans la nouvelle économie (photo écran Dahmane Soudani)
complexes, manœuvres dilatoires, mensonges, cette nouvelle orientation entamée sous la présidence de Barack Obama, avec, entre autres, le système de santé dit ObamaCare et la réforme de Wall Street, rencontre des oppositions d’une puissance inouïe, mais elle marque des points. Bien des décideurs sont désormais acquis à l’idée selon laquelle si l’on n’embarque pas l’homme dans l’aventure collective, en continuant simplement à raisonner en termes de dividendes et d’allégeance aux grands groupes, le système risque de s’effondrer de façon très violente avec des conséquences incalculables.
Dans l’Amérique de 2016, en pleine campagne, on ose parler de la défense des intérêts des travailleurs, alors que jusque-là, la ligne rouge à ne pas franchir, pour ne pas être estampillé communiste, était celle de classes moyennes. Certains candidats majeurs comme Bernie Sanders, ouvertement soutenu par des personnalités de premier plan, comme la sénatrice de Massachussetts Elizabeth Warren, se disent clairement socialistes et refusent les contributions de Wall Street.
« La société réussit uniquement lorsque nous bâtissons cette prospérité sur un partage généralisé »
Outre la gratuité de l’enseignement supérieur dans les établissements publics, l’égalité des salaires hommes-femmes, la revalorisation du revenu minimum, Hillary Clinton a inscrit dans son programme de récompenser les entreprises –sous forme d’allègements fiscaux- qui étendent la répartition des bénéfices à l’ensemble des salariés.
En invitant Tom Wolf, le gouverneur de Pennsylvanie à monter sur la tribune de la Convention nationale des démocrates qui s’était tenue, la semaine écoulée à Philadelphie –la plus importante ville de cet État-, l’ex-Première Dame a démontré que non seulement, cette démarche est réaliste, mais qu’elle est fiable, juste et se justifie économiquement.
« Il y a deux ans, je m’étais déclaré candidat pour être gouverneur de Pennsylvanie sur la base de la conviction profonde que la société réussit uniquement lorsque nous bâtissons cette prospérité sur un partage généralisé (NDLR. de la richesse). Ça c’est une leçon que j’ai apprise en politique ; c’est la leçon que j’ai apprise de l’entreprenariat », explique Tom Wolf.
« Vous êtes, simplement, aussi bon que les gens que vous avez dans votre entreprise »

La clé de notre succès, c’est une répartition plus juste des bénéfices (photo écran Dahmane Soudani)
« Après avoir servi dans un tribunal et obtenu un PHD de MIT, j’ai surpris ma famille et mes amis en retournant à la maison, au centre de la Pennsylvanie, pour travailler dans un établissement familial, une entreprise de matériaux de construction (…). Ensuite avec deux de mes cousins nous avons acheté une entreprise et aujourd’hui, nous sommes devenus le plus important groupe de production d’éléments de cuisine de l’Amérique du Nord », poursuit le gouverneur.
« L’une des clés de notre réussite c’était d’admettre que dans les affaires vous êtes, simplement, aussi bon que les gens que vous avez dans votre entreprise (…) Je sais que tous les patrons ne suivent pas cette voie. Mais pour ce qui nous concerne, lorsque nous contractons avec un vendeur, nous payons ce vendeur. Donald Trump n’a pas payé des centaines de petites entreprises, des plombiers aux peintres, ruinant leurs établissements pour enrichir sa seule personne », détaille l’invité de Hillary Clinton
Nous partageons entre 20 et 30% de nos profits avec nos salariés
« Dans notre groupe, comme dans beaucoup d’autres dans le pays, nous traitons nos salariés avec respect. Quand ils ont un nouveau-né, nous célébrons l’événement avec eux et nous versons aux nouvelles mamans les indemnités de départs en congé. Donald Trump dit que les travailleuses enceintes sont un inconvénient. Ce n’est donc pas une surprise qu’il n’ait pas de plan d’indemnisation des départs en congé. Enfin, un autre exemple de notre entreprise, nous avons un plan de partage des profits. Nous savons que nos employés participent à notre croissance. Alors, en plus de bons traitements et de bonnes prestations familiales et vraiment de bons revenus, nous partageons entre 20 à 30 de nos profits, directement avec nos employés. Juste pour vous donner un exemple concret, en 2013, premier anniversaire de notre entreprise, en moyenne, chacun de nos salariés a reçu 5000 dollars, en partage de bénéfices », s’enorgueillit, le patron-gouverneur avant de conclure : « Donald Trump utilise des entreprises pour aider qui ? Donald Trump ! Dans ses six déclarations de faillite, il a utilisé des mécanismes pour se protéger, éventuellement en s’enrichissant, alors que ses salariés sont livrés à leur sort. Nous ne faisons pas ce qu’il fait parce que nous voyons loin. Nous ne faisons pas ce qu’il fait parce que ce n’est pas correct de traiter ses salariés de la sorte et nous faisons ce que nous avons fait parce que c’est important pour notre entreprise. C’est une démarche de développement intelligente et simple. Nous avons une affaire qui marche et qui est solide parce que nous sommes, tous ensemble, gagnants ». Une manière subtile de dire que comme l’investissement et les exportations, la consommation est un levier de la croissance à part entière.
Le chemin à parcourir pour réaliser le rêve de Tom Wolf est encore long et parsemé d’embûches, mais la conviction d’une plus juste répartition de la richesse ressemble bien à une lame de fond à défaut d’être animée par une exigence existentielle.
Dahmane SOUDANI
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