En trois ans, de 2008 à 2010, la hausse du chômage a été accompagnée par 584 suicides supplémentaires.
En France, pour une augmentation de 10% du taux de chômage, toute population confondue, le taux de suicide augmente de 1,5%. La corrélation serait beaucoup plus significative, si l’on ne tenait pas compte de l’effet retard. C’est ce que révèle une étude publiée par le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) mis en ligne sur le site l’Institut de veille sanitaire (IVS) « Sous l’hypothèse que cette association est causale, le nombre de suicides attribuable en France à la hausse du chômage entre 2008 et 2010 est estimé à 584 comparativement au nombre de suicides attendu, si le taux de chômage était resté stable depuis la fin 2007 » souligne une synthèse de cette étude. Plus loin, le même texte précise, néanmoins que l’étude de l’IVS « permet, néanmoins, de mettre en évidence que lorsque le taux de chômage augmente dans la population, le taux de suicide augmente lui aussi.»
L’augmentation du taux de suicide associée à l’évolution du taux de chômage représente ainsi une moyenne de 195 décès par an.
Les hommes et particulièrement ceux de la catégorie en âge de travailler -entre 25 et 49 ans- sont les plus exposés à ce fléau. Sur la période étudiée, à chaque fois que le taux de chômage augmente de 10%, le taux de mortalité par suicide augmente de 1,8% pour le les hommes en général et de 2,6% pour la tranche d’âge de 25 à 49 ans.
Les assassins de droit divin
Selon les auteurs de cette étude, ce phénomène affecte plus la France que les autres pays européens. « L’estimation centrale de l’association écologique entre chômage et suicide était plus forte en France que dans les sept autres pays européens étudiés (Allemagne, Autriche, Espagne, Finlande, Pays-Bas, Royaume-Uni et Suède) » détaille le texte de BEH.
Il est vrai que dans ses conclusions, cette étude insiste sur la mise en œuvre de démarches de prévention du suicide. Mais dans le contexte national et international actuel, régi par la fausse évidence de la fatalité d’un système, quelle que soient les intentions de ses rédacteurs, elle va, inévitablement, servir de soupape de sécurité pour retarder l’explosion de la cocotte. « Au moins ça a été dit », diront certains !
Tout se passe comme s’il n’y a pas de responsables du désastre financier, économique, social et humain qui avait éclaté en 2008, et aucune mesure sérieuse n’a été ni prise, ni suggérée aux autres nations pour la mise en place d’instruments internationaux visant à éviter ce type de cataclysme. Or qu’on le veuille ou non, sans compter les innombrables personnes –des sans voix- qui ont été psychologiquement anéanties, il y a mort d’Hommes. On n’est plus dans les tentations de patronat ou de magnats de droit divin, mais dans le monde des assassins de droit divin. À ce titre, l’impuissance résignée, voire dans certains cas la trahison, des politiques –en fait, on ne sait pas exactement s’ils ont jeté le manche après la cognée où s’ils sont tout simplement passés du côté du manche– est on ne peut plus tragique.
À titre de rappel, lors de l’université d’été de 2013 Ségolène Royal, l’actuelle ministre de l’Écologie déclarait : Nous avons été élus, pour bousculer un système où, de nos jours encore, les produits dérivés représentent 12 fois le PIB mondial», après s’être insurgée contre le système financier en ces termes « Nous avons été élus, pour mettre fin aux scandales financiers comme celui de DEXIA, la banque des collectivités locales qui a coûte six milliards et demi d’euros aux contribuables français, peut-être bien davantage ». Qu’en est-il vraiment aujourd’hui ?
Dahmane Soudani
Repères.
Taux de chômage et mortalité par suicide en France.
Taux chômage | Nombre de suicides pour 100 000 habitants | ||
Femmes | Hommes | ||
2007 | 8,4 | 7,5 | 22,8 |
2008 | 7,8 | 7,5 | 23,2 |
2009 | 9,5 | 7,5 | 23,5 |
2010 | 9,7 | 7,5 | 22,8 |
Accéder directement à la synthèse de l’étude : http://www.invs.sante.fr/beh/2015/1-2/2015_1-2_1.html
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