Situation inédite, incapable de s’exprimer et de s’adresser aux Algériens Abdelaziz Bouteflika mandate son entourage pour faire campagne à sa place.
Terrassé par les conséquences d’un AVC –accident vasculaire cérébral-, survenu en avril 2013, Abdelaziz Bouteflika (77 ans) a dû séjourner, à l’étranger, pendant 80 jours. Et depuis son retour en Algérie, il gouverne par délégation de pouvoir et n’a fait aucune apparition publique à l’exception du laps de temps durant lequel, il avait déposé sa candidature ; instant au cours duquel, la regard hagard, M. Bouteflika a pu, tant bien que mal, difficilement et de façon très peu audible prononcer quelques mots. La vérité, c’est qu’en regardant ces images, beaucoup d’Algériens et d’observateurs de par le monde se sont demandés, si le président sortant était réellement en mesure d’assumer ce simple acte de candidater ou alors si on lui avait dicté à chaque instant ce qu’il fallait dire et faire. Le brusque changement d’éclairage, entre séquences, superposé à la rupture anormale du mouvement de la main droite du président milite en faveur de la seconde hypothèse. Cette sortie semble bien être un montage, réalisé à deux moments différents de la journée.
Association de prédateurs
Dans la rue, les mouvements Barakat –comme « Ça suffit ! »- et des boycotteurs de l’élection présidentielle occupent, depuis plusieurs jours, le devant de la scène. À ce titre, ce ne sont pas les offres des différents candidats qui font la une des média algériens, mais l’opportunité de la candidature de M. Bouteflika. Ce qui pollue fortement la campagne présidentielle et prive les Algériens de disposer sereinement d’un bilan et d’accéder aux programmes des différents candidats.
Depuis la modification, fort constable de la constitution algérienne en novembre 2008, le président de la République a le droit de se représenter autant de fois qu’il le souhaite, mais pour la présidentielle de 2014, ce n’est pas tant le nombre de mandats qui pose problème et qui fait débat, mais l’État de santé du président sortant. Profitant de sa popularité, en véritable association de prédateurs, son entourage est tenté de le faire élire même sur une civière, en dissimulant au maximum son état d’empêchement. Ce qui constitue un mépris avéré pour les Algériens et un manque de considération pour la personne du président lui même. Les limites de l’éthique et de la morale ont peut-être été largement franchies. Les institutions du pays, justice en particulier, sont mises devant leurs responsabilités.
Les langues se délient
Parmi les soutiens à la candidature du président, les langues de ceux qui ont été les moins bien servis, durant les années fastes, commencent à se délier. L’ancien Premier ministre Ahmed Ouyahia, promu directeur cabinet de la présidence de la République depuis l’officialisation de la candidature du président sortant, concède que M. Bouteflika n’est « plus ce qu’il était il y a 15 ans ». Lui emboitant le pas, Abdelaziz Belkhadem également ancien chef du gouvernement et nommé, dans les même conditions, conseiller spécial du président de la République, déclare sur une chaine de télévision algérienne que l’état de santé du président ne nécessite qu’une « rééducation de ses membres inférieurs », en admettant toutefois que sa voix « part quelque fois et revient par la suite ».
Contre-expertise médicale
Il n’y a que les jusqu’au-boutistes zélés, comme Amar Saïdani (FLN), Amara Benyounès (ministre) et Abdelmalek Sellal (Premier ministre) qui

Les Algériens ont le droit d’être correctement renseignés sur les santé des candidats (Photo Dahmane Soudani)
restent déterminés à vendre au peuple algérien un président fortement diminué. La campagne officielle démarre dans deux jours, le 23 mars prochain et c’est d’ailleurs M. Sellal qui va animer, par procuration, la première réunion publique au nom de M. Bouteflika.
Cette tragicomédie inédite ne sert ni l’Algérie, ni les algériens, ni la démocratie et n’est pas de nature à rétablir la confiance entre les citoyens et les politiques et partant la stabilité du pays. Elle est orchestrée au profit de certains cercles boulimiques et pétrolivores, occupant souvent des fonctions occultes et pour qui les grands principes et les beaux discours ne servent que de moyen de faire valoir.
La santé et l’aptitude d’un citoyen qui prétend à la magistrature suprême d’un pays quel qu’il soit, n’est pas l’affaire de tribuns ou de déclaration enflammées de quelques illuminés. Elle relève d’un simple examen médical.
En Algérie, tout candidat à la magistrature suprême doit présenter trois certificats médicaux (Aptitude physique, certificat psychiatrique et absence de tuberculose) délivrés par des médecins algériens assermentés. Selon toute vraisemblance, le président sortant a présenté ces trois documents au conseil constitutionnel puisque son dossier a été retenu (Il y a beaucoup de rumeurs à ce sujet). Mais dans la mesure où il s’avère que M. Bouteflika n’est pas en mesure de mener sa propre campagne électorale et où sa candidature est publiquement contestée, ne serait-il pas judicieux d’effectuer une contre-expertise ?



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