L’Arabie saoudite veut punir Damas pour accepter son siège au Conseil de sécurité.
Élue récemment, en même temps que le Tchad, le Chili, le Nigéria et la Lituanie, et pour la première fois de son histoire, membre non permanent du conseil de sécurité, pour une période de deux ans, l’Arabie Saoudite a, à la surprise générale, annoncé, hier vendredi, son refus d’intégrer cette instance des Nations unies ; une première dans l’histoire du Conseil. Ryad explique son geste par « l’impuissance » de cette instance à résoudre les grandes crises internationales, vous l’avez bien compris, en particulier la crise syrienne. Et l’hyper-monarchie d’exiger, pour reprendre possession de son siège, que le Conseil de sécurité « soit réformé et qu’on lui donne les moyens d’accomplir son devoir et d’assumer ses responsabilités pour préserver la paix et la sécurité dans le monde ».
L’étrange « compréhension » du Quai d’Orsay
Moscou n’a pas manqué de relever l’étrangéité de la décision et de la démarche du royaume en se disant « déconcertée par les raisons données par Ryad pour explique sa position ». Embarrassé, le Département d’État américain a expliqué que les Etats-Unis ne s’attendent pas d’être toujours d’accord avec leurs alliés. La Grande Bretagne, la Pakistan et plusieurs autres pays ont exigé des explications. Faisant exception, le Quai d’Orsay a déclaré comprendre « la frustration » du Royaume !
Pour justifier sa volte-face le royaume saoudien pointe ouvertement l’absence « sanction dissuasive » à l’encontre de Damas et pour faire bonne figure envers les opinions publiques dans le monde arabe, ajoute que « la question palestinienne demeure, depuis soixante-cinq ans sans règlement ».
Cité par plusieurs média, le Saoudien Abdelaziz Sager, directeur du Gulf Research Center (GRC) indique que l’Arabie Saoudite « veut également exprimer son malaise face à la nouvelle politique de Washington et en particulier aux positions du président Barack Obama sur l’Iran, la Syrie et le Yémen ». Signalons au passage que cette semaine, à la une du portail du GRC se trouve un commentaire intitulée « La cohabitation US avec le terrorisme du Hazbollah », signé d’ Abdelaziz Sager lui-même -découvert comme par enchantement par la presse parisienne-. Ce texte soutient ouvertement le groupe terroriste An-Nosra en poussant à fond au clivage confessionnel. Indirectement, il attribue, en outre, la double tutelle de ce groupe, à al-Qaïda et à Ryad. Cela donne une idée de l’esprit et de la rigueur scientifiques de « ce centre de recherche » pour lequel d’ailleurs, pour avoir la bénédiction de la monarchie, Barack Obama devrait être un George Bush bis.
Pourvoyeur de fonds de l’internationale terroriste
En clair, l’Arabie Saoudite qui soutient la multinationale terroriste en Syrie, qui s’ingère dans les affaires intérieures de ce pays, qui porte atteinte au quotidien à sa sécurité, reproche au Conseil de sécurité et aux Etats-Unis de ne pas bombarder ou autoriser le bombardement de ce pays déjà meurtri par deux ans de conflit, en grande partie alimenté de l’extérieur, avant de passer à l’Iran. Si l’on respectait scrupuleusement le droit international, c’est la Syrie qui devrait se plaindre face à l’impunité des monarchies du Golfe qui arment et financent des groupes de mercenaires qui à leur tour vont massacrer des villageois par centaines tout simplement parce qu’ils sont Alaouites ou Kurdes.
Le régime saoudien accuse le président Assad « d’assassiner son peuple » en s’arrogeant, par ailleurs le droit de parler, de façon récurrente, au nom des peuples arabes. L’idée khalifat point du nez ! Personne ne dit que M. Assad est un enfant de cœur, quoique les victimes qu’on dénombre sont également tombées sous les balles des groupes armés, An-Nora en tête, mais il serait pourtant intéressant de connaître la cote de popularité des dirigeants des deux pays
La fait-diversification de bombardements de pays arabes
En fait ce sont les vétos russes et chinois, à propos de la question syrienne qui semblent importuner, le plus, Ryad. Or si l’on fait le décompte des vétos se rapportant aux questions du Moyen-Orient, il est aisé de constater que depuis les cinq dernières décennies, il y en eu des dizaines, mais cela n’a jamais ému les palais royaux de Riad. En revanche, l’Arabie Saoudite a été derrière tous les bombardements des pays arabes de ces dernières décennies, opérations régulièrement déclenchées sur la base d’assertions mensongères ou des détournements des résolutions du Conseil de sécurité. Aujourd’hui ce pays pousse à banalisation et à fait-diversification des attaques militaires contre les pays arabes. Qu’importe le nombre de victimes, femmes, enfants et vieillards –que les spécialistes du lissage des crimes de masse vont cyniquement qualifier de dégâts collatéraux » ; qu’importe les douleurs et les cris de désespoir –ceux-là, on ne vous les montrera pas. Ils seront invisibles et inaudibles, déduits en pertes et profits de l’histoire- qu’importe les armes qu’on utilise et qu’on expérimente sur les populations et dont on ne connaît toujours pas les conséquences immédiates et à long terme; qu’importe les destructions des infrastructures et du patrimoine ; qu’importe si des états arabes sont détruits mettant ainsi en péril l’existence même de nations entières ; qu’importe pourvu que la monarchie aux dents longues assouvisse sa haine revancharde. Ça ne va pas plus loin, des petitesses à la petite semaine !
Les deniers du peuple Saoudien
Des abus impunis qui poussent une partie des populations à s’orienter vers des valeurs refuges et partant vers l’extrémisme, verrouillant ainsi hermétiquement les espaces d’expression démocratique. Les deux terreaux du terrorisme dans le monde arabe sont les injustices des régimes en place et les injustices liées aux agressions étrangères ; une insécurité d’une autre nature, de masse celle-ci.
La question qui consiste à savoir si les Saoudiens vont revenir sur leur décision de boycotter ou non le Conseil de sécurité est sans intérêt ; elle n’a aucune espèce d’importance. En revanche, il serait intéressant de savoir si Ryad a agi seule ou par délégation…
Une candidature de membre non permanent au Conseil de sécurité représente un investissement pluriannuel et est, à ce titre, très onéreuse pour être boudée avec une telle désinvolture. C’est dire le peu d’importance que le régime saoudien accorde aux deniers publics du pays. En fait le jour ou cette monarchie sera contrainte de rendre des compte au peuple saoudien de ce qu’elle fait des avoirs de ce pays, elle aura sans nul doute une attitude plus tempérée, plus réaliste. Ce jour-là les mécontents ne seront pas qu’à l’intérieur de palais royal. Il n’y aura pas que les pétrolivores qui vont avoir des larmes de bitume…


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