Le français est une langue relativement récente ; une fraicheur qui ne serait, peut-être, pas étrangère à son expansion à son acclimatation à la modernité. Le premier texte, écrit dans le français ancien, a moins de 12 siècles.
En 817, alors que l’empire légué par Charlemagne était encore unifié, son descendant et successeur, Louis le Pieux associe, au pouvoir, son propre fils ainé, Lothaire. Les deux autres fils, Charles le Chauve et Louis le Germanique, se révoltent contre leur frère Lothaire et leur propre père. Celui-ci, malmené par le prince héritier, jusqu’à l’humiliation, décède le 20 juin 840, mais les rivalités entre ses enfants lui survivront.
Le Serment de Strasbourg
Le 14 février 842, après avoir défait leur frère, à l’issue de la bataille de Fontenoy-en-Puisaye dans l’Yonne (juin 841), Charles et Louis scellent le Serment de Strasbourg. Le contenu de cette entente est prononcé en vieil allemand par Louis le Germanique et les soldats de Charles le Chauve et en vieux français par Charles le Chauve et les soldats de Louis le Germanique. À ce sujet, l’Académie française édite : « La langue française est une langue indo-européenne, comme l’allemand, l’anglais ou le russe. Mais c’est une langue romane, issue du latin, comme l’italien, l’espagnol, etc., tandis que l’allemand et l’anglais appartiennent au groupe des langues germaniques (plus précisément, au germanique occidental), bien que l’anglais doive une bonne part de son vocabulaire au français.
Le serment de Strasbourg (842) marque la fin des luttes entre les petits-fils de Charlemagne. Après avoir vaincu Lothaire, Charles le Chauve et Louis le Germanique se rencontrent à Strasbourg afin de confirmer leur alliance, devant leurs troupes, par ce serment. Charles et les soldats de Louis le prononcent en langue tudesque (qui est déjà de l’allemand) ; Louis et les soldats de Charles le prononcent en langue romane (qui est déjà du français). Les formules de ce serment, consignées par l’historien Nithard, constituent donc les plus anciens textes qui nous soient parvenus en langue française et en langue allemande ».
La Cantilène
Vers 880, alors que les Robertiens, puis leurs descendants, les Capétiens poussaient les Carolingiens vers la porte de sortie, fut écrit le premier texte, La Cantilène (ou Séquence de Sainte Eulalie) en langue romane (rustica romana lingua), différenciée du latin. Ce texte fut découvert 857 ans plus tard, en 1837, par l’écrivain allemand Hoffmann Von Fallerslebe (francophobe de surcroît), La Cantilène est un poème, probablement l’œuvre d’un atelier lotharingien, dédié à Sainte Eulalie de Mérida, une vierge martyre morte en 304. Il faudra attendre plus de cent ans, plus tard, pour que le « français » fasse une entrée timide au palais royal avec le fondateur de la dynastie capétienne.
La langue française fit son entrée au palais
Issu de l’aristocratie parisienne, le neustrien Hugues Capet (940-996), fondateur de la dynastie capétienne est le premier souverain franc (987-996) à avoir eu la langue romane vernaculaire –appelé françoys-, comme langue maternelle en lieu et place du latin ou d’une variante de la langue germanique héritée des Saliens. Mais il a fallu encore attendre près de 200 ans pour que l’expression royaume de France soit officiellement actée.
Philippe II « Auguste », (1165-1223) fut le premier souverain (1180-1223) à mettre au placard le titre de roi des Francs et à lui substituer celui de roi de France. Pour autant, le français n’est toujours pas la langue officielle du pays. On ne sait pas si la rivalité, du genre plutôt féroce, entre les deux dynasties françaises, les Plantagenets en Angleterre et les Capétiens en France, était pour quelque chose dans la nouvelle dénomination du royaume ou non.
Ordonnance de Villers-Cotterêts : le français, langue officielle
Cela dit, il a fallu quand même patienter jusqu’à l’accession au trône de François 1er –accession due à un concours de circonstances pour le moins extraordinaire- pour qu’en vertu des articles 110 et 111 de l’ordonnance dite de Villers-Cotterêts (1539), le français devienne la langue officielle du l’Hexagone. À cette date, l’usage du français était courant, mais tous les actes officiels étaient encore rédigés en latin. La langue de Molière connaîtra alors une propagation vertigineuse. Au XVIII siècle Catherine de Russie (1729-1796), une amie de Diderot parlait français. De son côté, Frédérique II de Prusse (1712-1786), ami de Voltaire parlait, lui aussi, français. Quelques décennies après l’ordonnance de 1539, de grandes plumes comme Pierre Corneille, Jean de la Fontaine, Molière, Racine, Marie-Jeanne L’Héritier de Villandon, Charles Perrault, Jeanne-Marie Leprince de Beaumont, Marie-Catherine Le Jumel de Barneville, baronne d’Aulnoy…, font leur entrée sur la scène littéraire française.
L’usage courant d’une langue, ne veut pas dire sa généralisation. Tant s’en faut ! Ainsi, il est rapporté qu’à la veille de la Révolution française de 1789, les trois quarts de la population française parlaient une autre langue ou un dialecte.
Une académie pour la langue
En 1629, neuf personnalités décidèrent de se rencontrer, une fois par semaine, au domicile parisien de l’une d’elles, le calviniste Valentin Conrart (1603-1675), alors Conseiller-Secrétaire du Louis XIII. À l’issue de cette rencontre, Valentin Conrart est élu secrétaire perpétuel de la compagnie naissante et occupera ce poste pendant plus de 40 ans, jusqu’à sa mort en 1675. Alors principal ministre de Louis XIII, Armand Jean du Plessis de Richelieu, dit Cardinal de Richelieu (1585-1642) pris sous sa protection, ce cercle d’intellectuels et demanda à ses membres la rédaction de statuts et de les lui soumettre pour approbation. Il exigea également à ce que le nombre des membres de ce collectif soit porté à 40. Depuis, ce nombre n’a pas changé, mais en février 2018, six fauteuils étaient vacants.
La première assemblée ayant fait l’objet d’un compte rendu signé par Conrart, date du 13 mars 1634. C’est cette date qui est généralement retenue comme instant de naissance de l’institution. Le nom « Académie française » a été adopté huit jours plus tard. Dans un premier temps, ses membres se sont faits appeler « académistes », puis « académiciens » à partir du 12 février 1635. « Ils devaient se préoccuper de la pureté de la langue et la rendre capable de la plus haute éloquence », édite l’Académie française.
La première personnalité de rang royal à visiter l’institution fut la reine Christine de Suède, le 11 mars 1658. On retiendra également l’admission, en 1652, d’Armand du Cambout, duc de Coislin (1635-1702), à l’âge de seize ans et demi ; alors que Pierre Corneille (1608-1685), le plus grand des auteurs tragiques français a dû faire trois fois acte de candidature avant d’y être admis. Plus proche de nous, bien qu’il fût déjà le chef de file du courant romantique, depuis le retrait de Chateaubriand en 1830, Victor Hugo (1802-1884) ne parviendra à y accéder qu’au bout de la quatrième tentative en 1841.
Aujourd’hui, le français s’est tellement propagé, de par le monde, que lors des vœux protocolaires du 4 janvier dernier, Emmanuel Macron , le président français, a concédé que « l‘épicentre de la francophonie, ce n’est pas Paris. C’est quelque part, entre le bassin du Congo et Ouagadougou, vraisemblablement ».
Dahmane Soudani
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