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USA. Les présidents américains élus sans la majorité du vote populaire

 Depuis la déclaration de l’indépendance des Etats-Unis le 4 juillet 1776, une telle situation s’est produite, au moins, à cinq reprises. Ce sont surtout les républicains qui ont profité du filon, mais les démocrates, non plus, ne sont pas blancs comme neige.

 L’élection, en novembre 2016, du 45e président américain, le républicain (apparenté) Donald Trump, alors que sa malheureuse adversaire la démocrate Hillary Diane Rodham Clinton le devançait de près de 2,9 millions de voix, aux suffrages populaires, est sans doute une entorse sérieuse à la démocratie. Mais cette anomalie mérite, néanmoins quelques éclaircissements.

Suffrage indirect

Aux Etats-Unis, le président est élu indirectement par les grands électeurs et non au suffrage universel. À cet effet, en fonction de son poids démographique, chacun des 50 États qui constituent le pays, se voit attribuer un certain nombre de grands électeurs. À titre d’exemple, pour les présidentielles de 2016 et 2020, la Californie est crédités de 55 grands électeurs et Delaware, seulement, de 3. En fonction des résultats obtenus au suffrage universel, les candidats se voient attribuer un quota de ces « electors » et ce sont eux qui vont élire le président. C’est donc une élection au suffrage indirect. Or, il se trouve que parfois, le vote des grands électeurs contredit le suffrage populaire, universel.

Une anomalie comme celle de 2016 n’est pas une nouveauté. Tant s’en faut ! Elle s’est déjà produite dès l’élection de John Quincy Adams, 6e président des Etats-Unis, et s’est, par la suite, reproduite à quatre reprises.

Double peine pour Andrew Jackson

En 1824, le candidat Andrew Jackson (démocrate) avait gagné le vote populaire et celui des grands électeurs. Il avait 15 voix de grands électeurs de plus que son adversaire tout en le devançant, au suffrage populaire, du taux confortable 12,78% des voix portées sur

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John Quincy Adams inaugure l’ère des présidentielles litigieuses (photo DR)

l’ensemble des candidats -On ne peut pas parler de suffrages exprimés puisque les décomptes ne comportaient pas les bulletins blancs et nuls-. La Chambre des représentants lui a cependant barré la route de la Maison-Blanche, au profit de son adversaire John Quincy Adams -national-républicain au moment de l’élection, mais qui fut aussi Whig, antimaçonnique, républicain démocrate puis fédéraliste-, au motif qu’il n’avait pas atteint le seuil de 131 voix de grands électeurs.

En 1876, le démocrate Samuel J. Tilden a remporté le vote populaire de 264 292 voix ; ce qui représente 3,14% de la totalité des voix portées sur l’ensemble des candidats. La présidence des Etats-Unis est pourtant, revenue à Rutherford B. Hayes (parti whig, puis républicain au moment de l’élection) qui n’avait qu’une seule voix d’avance au collège des grands électeurs.

Al Gore sacrifié sans possibilité de recours

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Rutherford Hayes président grâce à la voix d’un grand élu (photo DR)

En 1888, bien que plus atténuée, la situation s’est reproduite avec Grover Cleveland (parti démocrate) qui dépassait son adversaire de 100 456 voix, soit 0,88%% de la totalité des voix portées sur l’ensemble des candidats, mais qui perd l’élection parce que son adversaire Benjamin Harrison (parti Whig de droite libérale, puis républicain) avait plus de vote des grands électeurs (233 contre 168).

Plus proche de nous, en 2 000, le démocrate Al Gore devançait le républicain George W. Bush de plus d’un demi-million de voix, soit 0,52% de la totalité des voix portées sur l’ensemble des candidats. Par ailleurs, des irrégularités favorisant George Bush, ont été signalées en Floride – ce qui a affecté le collège des grands électeurs-, mais la Justice a empêché un nouveau décompte. Cela dit, Fort de 271 votes de grands électeurs contre

3.-Benjamin-Harrison-

Benjamin Harrison, élection moins litigieuse, mais… (photo DR)

266 pour Al Gore, George W. Bush a été installé à la Maison-Blanche. Ce qui ne l’a pas empêché de rempiler avec un deuxième mandat et de gratifier l’humanité de guerres injustes et destructrices.

Dans l’absolu, à près de 2,9 millions de suffrages de différence, en la matière, c’est la démocrate Hillary Clinton qui, au cours de la présidentielle de 2016, a battu le record de voix du vote populaire. Elle a réussi distancer son adversaire d’un nombre de voix sans précédant. Mais depuis 1824, la population a été multipliée par 33,5. De sorte qu’en réalité, en terme de vote populaire, Hillary Clinton ne dépasse son concurrent que de 2,11% de la totalité des voix portées sur l’ensemble des candidats. Elle est en troisième position des candidats ainsi pénalisés par ce système, derrière Andrew Jackson 12,78% et Samuel J. Tilden 3,14%.

Les démocrates et le serpent de mer de l’ingérence russe

Les démocrates qui, aujourd’hui, s’acharnent à mettre en avant cette différence, sont très mal placés pour plaider une telle cause. Aussi bien pour les républicains que pour les démocrates, les candidats sont, comme pour la présidentielle, élus au suffrage indirect.

4.-Donald-Trump

Donald Trump, battu au suffrage universel, mais élu président (photo DR)

Ajouté à cela, lors des dernières primaires au sein de leur propre parti, contrairement aux républicains, les démocrates ont mis en places, comme c’est la tradition au sein de la maison, des élections non seulement indirectes, mais semi-ouvertes. En clair, pas moins de 714 délégués sur 4 765, ce qu’on appelle les super-délégués -c’est-à-dire qui ne sont pas élus, mais désignés par la direction du parti- avaient pris part aux suffrages. Ils représentaient près 15% des grands électeurs au sein du parti. En fait, à travers le cas des primaires de 2016, on a vu comment, avec leurs cours respectives, ces super-délégués ont été utilisés pour éliminer un candidat gênant en la personne de Bernie Sanders. Hillary Clinton avait été plébiscitée par 637 d’entre eux (89,82%) contre, seulement, 19 (2,66%) pour Bernie Sanders. On se souvient, par ailleurs, des courriels, rendus publics à l’époque, et qui avaient apporté la preuve que la direction du parti agissait ouvertement contre le sénateur du Vermont et pour favoriser l’élection de Madame Clinton. C’est de cette forfaiture qu’était parti le serpent de mer de l’implication de la Russie dans la présidentielle américaine de 2016. On a créé une situation dramatique, en trompe l’œil, qui a détourné les regards du vrai problème, celui du fonctionnement non démocratique d’un parti politique et qui plus est, a ouvertement agi de façon déloyale envers l’un de ses candidats catégorisé « hors establishment ».

Pour détourné la colère des citoyens et des militants sincères, on leur a jeté l’os de l’ingérence de la Russie ; un filon qui résiste à l’usure du temps. Car, après tout, quel est la capitale, à fortiori celles des grandes puissances, qui ne s’intéresse pas à la présidentielle d’un autre pays, en essayant plus ou moins directement, de l’influencer dans le sens de ses propres intérêts. Ça n’existe simplement pas ! Et pour peu que l’on gratte un peu, on finira toujours par trouver quelque chose pour occuper les esprits… le temps d’un mandat.

La vrai question, intellectuellement honnête consiste à s’interroger sérieusement sur le système qui produit de telles situations et non sur les cas qui en résultent.

Dahmane SOUDANI  

 

 

Repères. les présidentielles litigieuses

En Vert, les noms des présidents élus

 

  1. Élection de John Quincy Adams (1767-1848, président de 1825 à 1829). Son adversaire Andrew Jackson a gagné le vote populaire avec 44 804 voix d’avance et a obtenu plus de suffrages de grands électeurs (99 contre 84) mais n’a pas atteint le seuil des 131 votes de ces derniers. Il devait être élu président, mais la chambre des Représentants en voulu autrement. Elle a installé John Quincy Adams à la Maison-Blanche.

– 44 804 voix représentent 12,78% de la totalité des voix portées sur l’ensemble des candidats.

Rappelons qu’en 1820, la population des Etats-Unis était de 9 638 453 âmes. À cette époque les États faisant partie de la confédération avaient pour frontière ouest une ligne qui court de l’Illinois à la Louisiane.

Résultat de l’élection de 1824

Candidat

Famille politique Vote des grands électeurs

Vote populaire

John Quincy Adams

84

108 740

Andrew Jackson

99

153 544

William H. Crawford

41

40 856

Henry Clay

37

47 531

Voix portées sur l’ensemble des candidats : 350 671

 

  1. Élection de Rutherford B. Hayes (1822-1893, président de 1877 à 1881). Ce candidat fut élu par les grands électeurs avec une voix de différence bien que son adversaire Samuel J. Tilden le dépassait de 264 292 voix au suffrage universel.

– 264 292 voix représentent 3,14% de la totalité des voix portées sur l’ensemble des candidats.

Pour rappel, en 1880, la population des Etats-Unis comptait de 50 189 209 habitants.

Résultat de l’élection de 1876

Candidat

Famille politique Vote des grands électeurs

Vote populaire

Rutherford B. Hayes Républicain

185

4 036 298

Samuel J. Tilden Démocrate

184

4 300 590

Peter Cooper Greenback

75 973

Voix portées sur l’ensemble des candidats : 8 412 861

 

  1. Benjamin Harrison (1833-1901, président de 1889 à 1893) est élu président avec 233 suffrages des grands électeurs contre 168 pour son adversaire Grover Cleveland qui pourtant avait gagné le vote populaire en distançant le nouveau président de 100 456 voix.

– 100 456 voix, cela représente 0,88%% de la totalité des voix portées sur l’ensemble des candidats.

En 1890, la population des Etats-Unis était estimée à 62 979 766 personnes.

Résultat de l’élection de 1888

Candidat

Famille politique Vote des grands électeurs

Vote populaire

Benjamin Harrison Républicain

233

5 439 853

Grover Cleveland Démocrate

168

5 540 309

Clinton B. Fisk Prohibition

249 819

Anson J. Streeter Union Labor

146 602

Voix portées sur l’ensemble des candidats : 11 376 583

 

  1. George W Bush (né en 1946, président de 2001 à 2009) a décroché son ticket pour la Maison-Blanche en dépit d’un retard sur son adversaire Al Gore de 543 895 voix. George W Bush a obtenu 271 votes de grands électeur contre 266 pour son adversaire (en raison d’irrégularités en Floride).

– 543 895 voix représentent 0,52%% de la totalité des voix portées sur l’ensemble des candidats.

En 2000, la population des Etats-Unis comptait de 291 421 906 habitants.

Résultat de l’élection de 2 000

Candidat

Famille politique Vote des grands électeurs

Vote populaire

George W. Bush Républicain

271

50 456 002

Al Gore Démocrate

266

50 999 897

Ralph Nader Vert

2 882 955

Patrick J. Buchanan Reform

448 895

Harry Browne Libertarian

384 431

Howard Phillips Constitutionnaliste

98 020

John Hagelin Loi Naturelle

83 714

James Harris Socialiste travailliste

7 378

Neil Smith Arizona Libertarian

5 775

David Mc Reynold Socialiste

5 602

Voix portées sur l’ensemble des candidats : 105 372 669

 

  1. Donald Trump est élu grâce au soutien de 304 grands électeurs contre 227 pour Hillary Clinton. Celle-ci a pourtant obtenu une avance record de 2 864 903 de suffrages populaires.

2 864 903 de voix représentent 2,11%% de la totalité des voix portées sur l’ensemble des candidats.

En 2016, la population des Etats-Unis comptait 322 762 018 âmes.

Résultat de l’élection de 2 016

Candidat

Famille politique Vote des grands électeurs

Vote populaire

Donald Trump Républicain

304

62 980 160

Hillary R. Clinton Démocrate

227

65 845 063

Gary Johnson Libertarian

4 488 931

Jill Stein Vert

1 457 050

Evan Mc Mullin Indépendant

728 830

Voix portées sur l’ensemble des candidats : 135 500 034

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