À propos de l’article

Avatar de MaghNord News

Information sur l'auteur

Continuous news from both sides of the Atlantic

Algérie. Candidature de Bouteflika : l’aimant déviant

Affaibli par un accident vasculaire cérébral (AVC), survenu il y a près d’une année, le président algérien Abdelaziz Bouteflika, délègue depuis de nombreux mois, ses apparitions publiques. Il est pourtant, depuis samedi dernier, quasi-officiellement candidat à sa propre succession ; une situation pour le moins inédite et qui soulève bien des interrogations.

Abdelaziz Bouteflika : une candidature de diversion (photo Dahmane Soudani)

Abdelaziz Bouteflika : une candidature de diversion (photo Dahmane Soudani)

Après un psychodrame dans le genre « se représentera, ne se représentera pas », nous voilà, à présent, depuis le 22 février dernier, projeté dans le deuxième acte d’une tragicomédie qui focalise l’attention, tant du simple citoyen que celle des politiques, sur l’attitude à adopter face à la nouvelle ambition, pour le moins surréaliste, d’Abdelaziz Bouteflika, président algérien sortant, de briguer un quatrième mandat. On est à 50 jours de l’élection présidentielle, un scrutin majeur, et au lieu de se concentrer sur les programmes des divers candidats qui aspirent à présider au destin d’un pays aussi important que l’Algérie, les citoyennes et les citoyens sont enfermés dans une série de dilemmes gigognes, articulés autour de l’avenir politique du président sortant.

Montage machiavélique

Que M. Bouteflika aille au bout de la démarche qui lui est attribuée ou pas, là n’est pas question la plus importante de l’actuel contexte pré-électoral. En revanche, ce qui est notable, c’est que son rôle supposé dans la prochaine présidentielle, est utilisé comme aimant déviant du véritable objet d’une campagne digne de ce nom.

À en juger par la succession des événements, tout porte à croire que les personnes ou groupes de personnes qui tirent les ficelles de ce montage machiavélique ne veulent pas d’un vrai débat et ils ont réussi à faire mouche. Des candidats mettent leurs ambitions et leur programme de côté pour tenter d’en découdre avec une candidature qu’ils jugent inopportune à plus d’un titre. D’autres appellent à une grève de candidature. On assiste également à la mise en ligne de pétitions demandant au président Bouteflika de renoncer à son ambition de briguer un quatrième mandat…. Le panneau doit fait d’un alliage très résistant !

« Qu’ils nous montrent le président à la télévision ! »

En lieu et place d’enjeux majeurs comme la démocratie, la sécurité et la stabilité du pays et sa dotation de nouveaux instruments pour faire face aux défis actuels et futurs, la corruption, l’emploi, la précarité, la santé, la protection de l’environnement, l’éducation, l’investissement créateur de richesse et de valeur ajoutée, la sécurité…, c’est la candidature d’Abdelaziz Bouteflika qui fait office de véritable défi de l’instant.

Belle diversion pour esquiver les questions de fond ! Cela dit ce n’est pas tant le bilan du président Bouteflika qui est en cause et qui, il est vrai, jouit, en dépit de son état de santé, d’une réelle popularité, mais c’est la manière dont sa candidature supposée est instrumentalisé qui pose problème.

Un chauffeur de taxi d’une ville de l’est Algérien nous confiait dernièrement : « Je ne suis pas contre le président Bouteflika, bien au contraire, mais qu’ils nous montrent le président à la télévision. Je voudrais savoir s’il est vivant, s’il est réellement conscient de ce qui se passe autour de lui ». « Dans l’état où il se trouve, comment va-t-il faire campagne ? Comment va-t-il diriger un pays dans un contexte régional aussi dangereux ? C’est à ne rien comprendre ! », s’insurge notre interlocuteur visiblement très désappointé par la manière dont l’avenir se profile.

Reste que ce n’est pas la première fois qu’on assiste à un simulacre de procédure électorale. En novembre 2008 déjà, le pouvoir en place s’est offert le luxe de trépaner la constitution en supprimant la limitation du nombre de mandats présidentiels. Cette « révision » de l’acte de naissance de la république algérienne qui a permis à Abdelaziz Bouteflika de briguer un troisième mandat, n’a pas fait l’objet d’une procédure référendaire, mais d’un simple vote, qui plus est, à main levée, à l’Assemblée nationale, à l’époque dominée par la coalition présidentielle.

Une candidature de diversion

Après s’être octroyé des libertés avec le texte fondateur de l’État algérien, voilà six ans, aujourd’hui on tente, par une diversion grossière, visant à dévier l’opinion des problèmes du quotidien des Algériennes et des Algériens.  À l’évidence on veut estomper le vrai débat derrière des trajectoires personnelles, laissant ainsi en l’état les frustrations du peuple algérien.

Dans un contexte où des moyens colossaux -qui atteignent leurs cibles de façon insidieuse, faut-il le rappeler !- sont mobilisés pour déstabiliser les pays de la région, de telles dérives sont de nature à avoir de graves conséquences sur le destin collectif des Algériens. On ne peut manipuler une communauté que si les conditions de sa manipulation sont réunies. À travers  des pratiques douteuses, le pouvoir algérien se charge régulièrement de fournir ces conditions sur un plateau d’argent.

Il n’est pourtant pas certain que la candidature du président Bouteflika soit maintenue jusqu’à l’élection présidentielle, toujours prévue pour le 17 avril prochain. La date limite de dépôt des dossiers de candidatures vient d’être fixée au 4 mars prochain. D’ici là, il n’est pas exclu qu’un autre candidat du sérail sorte du chapeau ou alors que le pouvoir jette son dévolu sur un candidat déjà déclaré et ayant exercé des fonctions importantes. L’ancien Premier ministre Mouloud Hamrouche a déjà entamé un tour de chauffe avec l’étiquette fort séduisante de « réformateur » ; un signifiant au demeurant vide de sens.

L’objectif du pouvoir serait alors de concentrer les critiques de l’opposition sur la candidature du président Bouteflika afin qu’à l’arrivée, le vrai challenger ne soit pas trop abimé par les tirs de barrage. À ce propos, les raisons de faire jeter l’éponge au président sortant ne manquent. Il n’y a qu’à évoquer la dégradation de son état de santé et le tour est joué. Ce sera alors le troisième acte et le tomber de rideau sur une pièce de mauvais genre.

Dahmane Soudani

Tags:, , , , , , ,

Pas encore de commentaire.

Laisser un commentaire