Deux autres débats opposeront les deux prétendants à la magistrature suprême des Etats-Unis. Mitt Romney a gagné une bataille, mais pas la guerre de l’écran.
Mitt Romney a des soucis à se faire. Comme quatre ans en arrière, le mois de septembre a été des plus fructueux en terme de fonds collectés pour la campagne de Barak Obama. La cagnotte mensuelle s’élève à 181 millions de dollars contre 191 millions de dollars en 2008. C’est notable, mais ce n’est pas le plus important des enjeux dans cette partie de la dernière ligne de la campagne.
Dans son dernier message d’appel aux fonds, à demi-mot, Barak Obama concède que sa prestation, lors du débat de mercredi dernier, contre son adversaire le républicain Mitt Romney n’a pas été de bonne facture et laisse entendre que, pour les prochains face-à-face, sa performance sera du niveau qu’on lui connait, de l’homme qui durant la compétition à la candidature dans le camp démocrate en 2008, avait réussi à écarter de la course Hilary-Rodham Clinton, pourtant soutenue par son époux, le très charismatique Bill Clinton. « Il y a eu plusieurs fois dans ma vie où j’ai été donné hors-jeu. On avait dit que je ne pouvais pas le faire. On avait dit que je n’avais pas à parler de ce en quoi j’y croyais, on avait dit que je ne devais pas concourir pour le premier rang. J’y suis, à cheque fois, arrivé parce qu’il y avait eu des gens comme vous à mes côtés à chaque étape du parcours », plaide l’actuel locataire de la Maison-Blanche auprès de ses supporters.
Le dictat des cabinets de communications
Dans ce message, on sent également la volonté du Président de s’affranchir de certaines rigidités imposées par ses conseillers en communication. En effet, on a vu lors de la dernière prestation de Barak Obama, l’absence de réaction à la manière dont Mitt Romney, qui pourtant, est loin d’être un orfèvre de la rhétorique, avait par exemple, abordé les questions de la couverture santé -Obama care- et des 90 milliards investis dans les énergies renouvelables, allant jusqu’à reprocher de façon fort condescendante au « Commander in chief », que « l’économie n’est pas un jeu ».
À cet effet, la règle dictée par plusieurs cabinets de communication politique, consiste à persuader les candidats de ne pas répondre aux interpellations et questionnements du débatteur adverse pour ne pas s’inscrire dans la logique de son discours et du coup le placer dans le rôle d’animateur des échanges. On se rappellera en particulier comment en 2007, Nicolas Sarkozy avait usé de cette technique contre Ségolène Royal -en la soumettant à un interrogatoire en règle- avant qu’au printemps 2012 François Hollande ne tente, sans succès, de retourner cette arme contre le président sortant. « Je n’ai pas à répondre à vos questions », avait sèchement réagi Nicolas Sarkozy.
Challenger ou tenant du titre ?
En tant que tel, ce principe consistant à éviter de s’inscrire dans la logique du discours de l’adversaire, est fondé. Mais comme toute règle, il faut toujours en relativiser l’usage et la portée. En particulier, lorsque l’adversaire emploie, à l’appui de son discours, des données vérifiables ou quantifiables. Par exemple, les chiffres frappent les esprits. Derrière la quantification, ils estompent toute la dimension phatique du discours et le rende factuellement traduisible. De façon caricaturale, le chiffrage conduit les récepteurs de messages se dire : ah bon, c’est ça en fait. Dans ce cas, l’absence de mise au point sème le doute chez les téléspectateurs et les auditeurs qui peuvent légitimement se dire : soit notre champion ne connaît pas son dossier, soit alors, son silence correspond à une forme d’acquiescement. De ce fait, à défaut de le détruire, il faudra réagir à tout ce qui est factuel, sans s’éterniser bien évidemment, pour se donner l’occasion de développer son propre discours qui doit rester la stratosphère exprimant sans ambiguïté une politique intelligible. Les mises au point (tuning) ne sont pas des réponses à l’ensemble des développements de l’adversaire. Dans ce cas précis, elles consistent en la remise en cause de déclarations sur des aspects très particuliers du discours, mais de façon aussi ferme que brève. Une réaction bien maitrisée produit un effet de fronde, de dopage pour les propos de sa source.
Descendre du perron de la Maison-Blanche
Lors du dernier débat, on a également vu un Barak Obama qui n’a pas réussi à quitter la tribune présidentielle pour se diriger vers le champ de bataille électorale, du candidat. Le discours de campagne est par excellence un déni des formes protocolaires, mais l’expérience à montré qu’il y a deux lignes rouges à ne pas franchir : l’emportement et l’irrespect. Deux finalistes des deux dernières présidentielles en France ont compris ce principe à leurs dépens.
En regardant de près l’enregistrement du débat de mercredi dernier, on reste sur l’impression que Barak Obama avait une vague connaissance du programme du candidat républicain. Tout au moins, il n’en a pas mis suffisamment en exergue les faiblesses et les contradictions pourtant pointées du doigt, y compris dans le camp adverse. Quid des dérives de Mitt Romney à propos des 47% des Américains qui ne paieraient pas d’impôt ? Quid des délocalisations ? Quid de… Ce qui est troublant c’est que malgré son passé à la tête du fonds d’investissement Bain Capital -impliqué dans des délocalisations de milliers d’emplois-, Mitt Romney a réussi à se faire passer pour le champion de l’emploi, sans rencontrer de résistance. En s’attaquant aux investissements réalisés dans le solaire et l’éolien, le candidat républicain s’attaque à un secteur qui génères plus de 80 000 emplois/an -in Preliminary Analysis of the Jobs and Economic Impacts of Renewable Energy Projects Supported by the §1603 Treasury, April 2012-
La question qui se pose aujourd’hui, à Barak Obama pour les deux prochains rendez-vous avec Mitt Romney, sur le petit écran, les 16 et 22 octobre prochains est simple : va-t-il se ressaisir et reprendre le contrôle du débat ou alors va-t-il essayer de deviner sur quels points précis son adversaire va tenter de le coincer et essayer de préparer la riposte ? Autrement dit va-t-il se comporter en tenant du titre ou en challenger ?
Il devra au moins descendre du perron de la Maison-Blanche et renoncer aux formes de discours des tribunes officielles, peu porteuses, voire contreproductives en ces circonstances.
En attendant ces deux rendez-vous, le vice-président démocrate Joe Biden va déjà tenter de rééquilibrer les jeux dans le débat qui l’opposera, jeudi prochain, à l’ultraconservateur Paul Ryan, le colistier de Mitt Romney.
Dahmane Soudani


A very impressive analysis of the debate. CMG