Gaza. Pour se sentir dans les bras de sa maman, il dort sur sa tombe

Il doit avoir entre 7 et 9 ans, 10 au maximum. Par un soir sombre, comme le sont, à présent, à l’image des figures funéraires du genre, toutes les nuits pleurantes de Gaza, d’un pas décidé, il se dirige vers le cimetière du camp de Nousseirat, au sud de la ville de Gaza. Mis à part le vrombissement des moteurs de drones, qui sillonnent le ciel dans une logique panoptique des plus abjectes, il n’y a pas âme qui bouge.  

Surpris cette scène étrange et pensant que l’enfant courrait un danger, un jeune homme le suit pour tenter de percer le secret de cette virée du genre plutôt funeste. Mais quel fut son saisissement lorsqu’il vit le bambin s’allonger sur une tombe, en partie couverte par le sable de cette bonne terre de Palestine. Le gamin, le visage contre la tombe, la tête posée sur ses petits bras croisés, pleure à chaude larmes.

• « Pourquoi ? qu’est-ce qui t’arrive ? Pourquoi dors-tu ici ? », demande le jeune homme désarçonné.
• « Je veux dormir dans les bras de ma maman », répond l’enfant, à moitié étouffé dans ses sanglots.
• C’est la tombe de ta maman ?
• Oui !
• Il fait nuit noire, mon grand. Où habites-tu ?
• Juste à côté.
• C’est où juste à côté, tu veux dire près du cimetière ?
• Oui.
• Tu n’as pas peur d’être ici, avec tous les risques, les chiens… ?
• Non, je n’ai pas peur, je suis près de ma maman.
• Ta maman te manque ?
• Oui.
• C’est difficile la vie sans ta maman, hein !
• Oui.
• Je comprends. Tu veux rester ici, jusqu’au matin ?
• Oui.

Au bord des larmes, la gorge nouée, le jeune homme relève la tête vers le ciel, la seule orientation qui donne un sentiment d’espace et de liberté, dans toute la bande de Gaza et laisse échapper dans un soupir de résignation affligeante : « Que puis-je dire, que dois-je dire… Je ne sais pas ! »

Se rendant compte de la consternation de son protecteur de fortune, le gamin se relève et se jette dans ses bras.

Il acceptera peut-être de rentrer à la maison ou du moins ce qui en reste.

Gaza n’a pas encore tout dit de son calvaire.

Dahmane SOUDANI

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