Pas moins de 165 journalistes palestiniens ont déjà été exécutés de sang froid par l’armée israélienne. Ismaïl et Rami sont les derniers de cette tuerie inqualifiable avoir été liquidés.
La petite fille du Journaliste palestinien d’al-Jazeera Ismaïl al-Ghoul, partie pour des raisons de sécurité, avec sa mère, dans le sud de la bande de Gaza ne reverra plus son père. Si elle survivait à la tragédie de Gaza, elle grandirait seule, au mieux avec sa mère. Son jeune père, ce brave et courageux journaliste qui a mis le devoir d’informer au-dessus de toutes les considérations, y compris de sa propre vie, a été assassiné, hier, mercredi aux environs de 14h (heure de Gaza), par l’armée israélienne en même temps le caméraman Rami al-Rifaî.
Déjà arrêté et torturé en mars dernier
Les deux professionnels de l’information portaient pourtant des dossards estampillés « Presse » et roulaient en voiture blanche identifiée comme appartenant à la chaine qatari et siglée « TV ». Les deux collègues revenaient de ce qui reste de la maison du leader palestinien Ismaïl Haniyeh -dernièrement assassiné, lui aussi, à Téhéran- où se déroulait une cérémonie d’adieu. Ismaïl et Rami, ce duo de professionnels couvraient le massacre de masse, sans précédent, dans le nord de la bande de Gaza -la partie la plus dangereuse de l’enclave palestinienne- depuis octobre dernier ; massacre de masse que d’aucuns continuent, outrageusement et cyniquement, à désigner comme une « guerre entre le Hamas et Israël » ; alors même qu’il n’y a aucune symétrie.
Selon les premiers témoignages Ismaïl et Rami ont péri, suite à une attaque aérienne de l’armée israélienne.
165 journalistes tués
En mars dernier, Smaïl al-Ghoul avait déjà été arrêté à l’hôpital al-Shifa à Gaza City et torturé.
Dans un témoignage poignant, Hind Ossama al-Koudary, la jeune journaliste de la même chaine qui couvre le sud de la bande de Gaza relate cet assassinat froidement exécuté. « Ils ont été tués. Ils ont directement été pris pour cible alors qu’ils étaient dans une voiture blanche et portaient leurs dossards de presse. Ils venaient de couvrir une cérémonie organisée à la mémoire d’Ismaïl Haniyeh dans sa maison dans le camp de réfugiés d’al-Shatt. Ils étaient sur le chemin du retour et c’est à ce moment que les forces israéliennes les ont pris pour cible. Actuellement, le nombre de journalistes d’al-Jazeera tués s’élève à quatre Shireen, Smail, Hamza et Samir… quatre journalistes ont été tués jusqu’à présent ! Et ce n’est pas tout, le ministère palestinien (de l’information), vient juste d’annoncer que 165 journalistes palestiniens ont été tués, depuis le 7 octobre et ces journalistes travaillaient tous sur le terrain lorsqu’ils avaient été ciblés. Il y a, dès à présent, des photos montrant Ismaïl et Rami ciblés. Les photos montrent qu’ils portaient bien leurs dossards de presse comme ils le font chaque jour (…) Nous parlons de frappes aériennes », détaille, Hind la gorge nouée sur la chaine qui l’emploie.
« Mais nous avons déjà été pris pour cible dans des endroits normaux où se trouvaient des citoyens normaux. Nous avons essayé de faire tout ce que nous pouvions (pour assurer notre sécurité). Mais en même temps, nous voulons informer le monde de ce qui se passe ici. C’est déchirant de relater cela aujourd’hui, et c’est déchirant de relater le meurtre de Sheerin, le meurtre de Hamza, le meurtre de Samir… et ce n’est pas la première fois que nous faisons cela. Mais à chaque fois, c’est comme si c’était la première fois. C’est une grande perte pour nous, journalistes, à Gaza, et surtout pour l’équipe d’Al-Jazeera, de perdre un tel collègue », poursuit la jeune Hind tout en larmes. Hind avait des contacts réguliers avec Ismaïl et son équipe.
Allons-nous assister impuissants à la mort de Hind et des autres ?
Il est clair qu’Israël exécute les journalistes présents sur place parce que ce sont des témoins gênants pour la laideur morale de sa soldatesque. D’ailleurs les fanatiques de Tel Aviv s’opposent à l’entrée, à Gaza, de tout enquêteur indépendant. Même Philippe Lazzarini commissaire général de l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) a été empêché d’accès, à deux reprises, depuis octobre 2023.
Ce que décrit la jeune Hind, c’est que dans cette boucherie les journalistes habituellement collecteurs et transmetteurs d’informations deviennent objet d’information du fait de l’hécatombe dont ils sont victimes dans un silence des plus troublants ; un silence complice. Hind a la décence de ne pas parler d’elle-même, elle nous fait néanmoins comprendre qu’elle est très exposée. Shireen, Rami, Ismaïl, Hamza, Samir et 160 autres journalistes ont été tués par une armée dont le comportement est un déni assumé et constant de toutes les règles de la guerre. Pour une fois, l’humanité, complice, lâche ou indifférente -ce qui revient au même- est impuissante. Allons-nous laisser Hind, Islam… et les autres journalistes tomber sous les projectiles de toute sorte de ces hordes de tueurs ou alors va-t-il y avoir un sursaut salutaire, non seulement pour la Palestine, mais pour l’humanité toute entière ?
Dahmane SOUDANI
Dernière Minute
Témoignage. L’assassinat d’Ismaïl et de Rami est un meurtre intentionnel et prémédité.
Le journaliste Islam Bader était quelques instants avant le drame qui a emporté Ismaïl al-Ghoul et son collègue Rami al-Rifaï. Son véhicule pourtant reconnaissable à l’équipement de transmission, sur son toit, fut le premier à être ciblé. Fort heureusement, il venait juste de démarrer. Islam qui fait le serment de poursuivre son travail de journaliste à Gaza quel qu’en soit le prix, relate dans les détails l’assassinat d’Ismaïl et de Rami, assassinat qu’il qualifie de de prémédité et d’intentionnel. Voici son témoignage intégral :

« Ceci est mon témoignage à propos de ce qui s’est passé, aujourd’hui, mercredi 31 juillet 2024, à 4h de l’après-midi ? Nous étions à côté du domicile d’Ismaïl Haniyeh dans le camp de réfugiés d’al-Shatt, à l’ouest de la ville de Gaza. Nous assurions une couverture médiatique courante sur les réactions des gens après la disparition d’Ismaïl Haniyeh. On a réalisé les entretiens et c’est là que j’ai rencontré les confrères journalistes dont le journaliste martyr Ismaël al-Ghoul, notre compagnon pour al-Jazeera, et le journaliste martyr Rami al-Rifaï photographe de l’Agence nationale des médias. Il y avait également d’autres journalistes. Nous nous trouvions dans un endroit très éloigné des zones de combat, très éloigné ! Dans le ciel, il y avait des vols assez denses, comme ce vol-ci ! (Du doigt, il désigne un aéronef dont on entend les vrombissements du moteur) ; des avions de renseignement. J’avais terminé mon travail -de terrain- », relate Islam.
« À peine ai-je démarré, qu’un missile heurte de plein fouet l’endroit. Mes confrères m’ont informé que le projectile a frappé l’endroit exact où était garée ma voiture. Immédiatement, on a décidé d’évacuer les lieux. Il y avait deux véhicules, cette voiture qui appartient à l’Agence nationale (Islam montre un véhicule de couleur blanche, stationné juste derrière lui, reconnaissable à son équipement de transmission sur son toit) et la voiture particulière d’Ismaïl al-Ghoul », poursuit Islam.
« Les journalistes encore présents sur les lieux ont été répartis à bord des deux voitures et sentant le danger imminent, ont pris deux directions différentes. Ce qui s’est passé ensuite, c’est que juste après, rue Âdia, tout près de l’endroit où nous étions, fut ciblée la Jeep dans laquelle se trouvaient Ismaïl et le martyr Rami. Ils ont été tués sur le coup. C’est ce qui s’est passé, un ciblage direct et intentionnel. Il n’y a aucun moyen pour (soutenir) qu’il ne soit pas intentionnel, ou qu’il soit hasardeux ou pour avancer un quelconque risque d’erreur ou quelque chose d’autre », s’insurge Islam avec beaucoup de dignité et de professionnalisme avant de faire le serment : « Israël poursuit l’assassinat de journalistes. Avec le meurtre de Rami et d’Ismaïl, le nombre de journalistes martyrs s’élève à 165 victimes, femmes et hommes. Nous espérons qu’ils soient les derniers journalistes martyrs, mais malheureusement, Israël a les mains libres et donc il y aura d’autres martyrs qui tomberont. Malgré cela nous poursuivrons cette couverture, avec les enfants de notre peuple, des crimes d’Israël et nous n’allons pas cesser ».





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