En moins d’une année passée aux affaires, le nouveau pouvoir est accueilli, sur la place publique, avec des slogans qu’on croyait réservés à Ben Ali.
Hamadi Jebali, le Premier ministre tunisien, l’a échappé belle. Contrairement au président Moncef Merzouki, Mustapha Ben Jaafar, président de l’Assemblée nationale constituante (ANC) et certains membres de son gouvernement provisoire, « une grippe subite » -selon certains média tunisiens- l’a empêché de se rendre à Sidi Bouzid pour célébrer le deuxième anniversaire du soulèvement populaire qui a conduit au renversement de Ben Ali. Dans le berceau de ce qu’il est convenu d’appeler « la Révolution », le président tunisien, le président de l’ANC et leurs accompagnateurs ont été accueillis par des slogans hostiles avec, au hit-parade, le fameux « Dégage ! » et des jets de pierres, par une foule aux espoirs déçus, mais pas résignée. En moins d’un an après la formation de son gouvernement –le 22 décembre 2011-, il n’y a pas que le patron de l’exécutif tunisien, premier comptable de la gestion des affaires, qui est malade. Mais c’est la démarche politique qui a suivi le renversement de l’ancien régime qui est prématurément atteinte du syndrome du burn-out -détachement de la réalité-.
Usure précoce
À bien écouter les Tunisiens, leurs premières préoccupations sont la liberté et les Droits de l’Homme, le développement, le travail, la formation, la santé, l’hygiène, la sécurité… –il suffit de lire la presse tunisienne pour s’en rendre compte-. Mais entre les différents prétendants au pouvoir qui sont déjà aux affaires, c’est la reconquête de ce même pouvoir –lors des prochaines échéances électorales- qui est devenu l’essentiel de leurs actions publiques ; un véritable déni des espoirs de leurs compatriotes qui attendaient d’eux, dès la prise de leurs fonctions, d’être avant tout des serviteurs de l’intérêt général.
Certains courants politiques ne comprennent pas encore clairement qu’en démocratie, leur bail est précaire -n’en déplaise aux théocrates et autres autocrates ce facteur est un signe de stabilité tant il témoigne du bon fonctionnement des institutions- et que la seule chose dont ils peuvent être titulaire en viager, c’est leur bilan. On voit bien qu’à travers les milices comme les Gardiens de la Révolution, les atteintes à la liberté de la presse et aux libertés publiques et individuelles, les attaques contre les syndicats et les engagements sans lendemain, certaines forces politiques, malheureusement parmi les plus influentes, veulent quadriller et museler la société, pour se pérenniser au pouvoir. L’alternance par le jeu démocratique n’est pas inscrite à leur agenda. Résultat : en moins d’un an, ils ont consommé leur crédit. À ce titre, « une grippe » permet d’éviter une douche froide.
Dahmane Soudani



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